VOICI L’HOMME

La lecture de la Bible peut se faire fort différemment, selon le sujet choisi comme centre de l’histoire.

Evidement Israël rencontre son Dieu dans sa mémoire de peuple.

Avec l’holocauste de la dernière guerre mondiale, Israël se pose en figure de messie souffrant.

La tradition chrétienne relit les Saintes Ecritures avec Jésus de Nazareth Alfa et Oméga du livre. Elle y voit aussi le nouvel Israël, l‘église épousée, corps mystique du Christ. On peut aussi admettre que pour une première lecture, le fidèle entende Dieu lui parler, l’éduquer personnellement. Il en résulte que parfois cette approche soit fondamentaliste et nécessite une relecture en l’église A la lumière de la tradition et de l’exégèse moderne. Certains livres bibliques en outre se lisent psycho-spirituellement selon des écoles mystiques.

De toute façon, si l’Ancien Testament nous dit un Dieu impassible et pédagogue, éduquant un peuple à la nuque raide, Jésus, lui, vient partager nos sentiments. Le vin de la fête, la colère sur le parvis du temple, les larmes sur Jérusalem, la souffrance sur la croix, il ne divinise pas l’homme, il lui montre le chemin de l’accomplissement : le manteau pourpre d’un Homme-Roi couronné d’épines.

Voici un homme : sur le marché du travail, combien vaux-tu ?

En hôpital psychiatrique, combien coûtes-tu ?

Aujourd’hui tu es le seul homme à avoir regardé cet arbre, pour cela et seulement cela, tu es utile à Dieu. Voici un autre homme qui lit la Bible, son esprit ravagé par la maladie est en quelque sorte la sainteté à l’état brut, et son accomplissement alors, c’est le chef-d’œuvre du psychiatre et du chimiste qui doivent reconstituer l’écrin ; de l’aumônier qui nourrira l’âme, et du patient qui lui donnera sa clarté.

Ce qui en résulte est un vêtement d’arlequin, un patchwork de paroles. Paroles de témoins, paroles enfouies qui resurgissent dans le délire, et ce désir d’être cohérent.

La Parole de Dieu a bien du travail pour donner vie à celui qui a choisi l’alcool ou la drogue pour rejoindre un paradis ou être enfin heureux… Mais Elle s’installe, Elle rejoint immortelle celui et celle qui mendient une vie et une mort.

Brise tes chaines et tu vivras. Elle est présente avec sa multitude de facettes dans le brouhaha des dérives mentales. Silence ! Hôpital !

Combien de Mozart, de Freud, d’Einstein souffrent de l’aliénation de la camisole chimique ?

Ma présence chrétienne depuis huit ans dans la cafétéria d’un hôpital psychiatrique parisien, m’oblige à la sainteté au quotidien. Je suis moine mondain : de la blague triviale, à l’explication d’un texte biblique, chaque main tendue fidèlement peut sauver l’amitié. L’infirmier qui confesse « je ne savais pas qu’on prie pour nous, mais je le sentais » ; le punk colossal qui aurait aimé que je sois son papa; le frère arabe qui s’exclame quand tout va bien « il nous a tous envoûtés ».

Fruit de trente ans de messe quotidienne, de prières pour les vivants et les morts, d’études, de passion pour l’homme debout, je suis TRINITAIRE : briseur de chaines.

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