« On n’imagine pas la misère qu’il y a derrière ces murs »
A Saint-Brieuc, dix bénévoles entrent chaque semaine dans la maison d’arrêt pour y visiter des détenus sans famille. Ils partagent leur expérience.
Dans un local associatif situé au pied des hauts murs en moellon de granit de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), quatre femmes et trois hommes sont assis en cercle autour de deux tables basses. Ils s’y retrouvent, tous les deux mois environ, pour partager leur pratique de visiteur de prison, leurs interrogations ou leurs doutes.
Dix visiteurs, dont neuf sont membres de l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP), sont agréés par l’administration pénitentiaire pour entrer dans cette prison de 85 places… et 145 détenus au 1er février. A l’échelle nationale, l’ANVP regroupe un millier de bénévoles.
« J’ai quelqu’un qui n’est vraiment pas dans l’échange, mais dans la remise en question de tout, le monde entier est coupable, lance Josiane (les membres du groupe ne souhaitent pas donner leurs noms), visiteuse de prison depuis trois ans. Il a été incarcéré une première fois, a été libéré, puis est revenu. Il a beaucoup d’aplomb, beaucoup d’exigences… J’ai écouté, écouté, mais quand j’ai appris qu’il serait transféré dans une autre prison, j’ai été soulagée. » Un « ohhh ! » réprobateur parcourt la salle… « Ben oui, se justifie Josiane, il faut du plaisir dans l’échange. C’est la première fois que la rencontre ne s’est pas faite ! »
« Cela prend du temps, parfois, pour qu’une relation de confiance s’établisse », réagit Marie-Thérèse, visiteuse depuis 2007. Isabelle, comptable et conseillère en gestion et fiscalité pour des agriculteurs, la seule du groupe à ne pas être retraitée, le confirme : « J’ai eu un taiseux, un marin pêcheur, il ne disait rien. Et puis un jour, il s’est débloqué, il s’est mis à beaucoup parler et à beaucoup pleurer. »
« On apprend à écouter »
Chaque visiteur vient une demi-journée par semaine dans cette maison d’arrêt pour recevoir, dans un petit local, trois détenus, une heure chacun. Une relation suivie s’instaure pendant six mois ou un an, la durée moyenne de détention étant ici de neuf mois. Parfois beaucoup plus, lorsqu’une information judiciaire dure. Isabelle suit un jeune, incarcéré depuis quatre ans. Elle s’est attachée à lui et va demander l’autorisation d’aller le visiter dans le centre pour peines où il sera bientôt transféré.
Source : Le Monde, Jean-Baptiste Jacquin
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