Au premier jour du procès de Nordahl Lelandais, accusé du meurtre d’un jeune caporal devant les Assises de Savoie, la défense a fait citer, l’aumônier de prison qui l’a accompagné au début de sa détention. Le témoignage de l’aumônier a mis en lumière le rôle particulier de ces intervenants confrontés au risque d’instrumentalisation et de manipulation.

À la barre, Jean-Marc F. : l’aumônier catholique de la prison de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) a rencontré pendant quelques mois celui qui est également accusé du meurtre de la jeune Maëlys. Une initiative dont il confiera qu’elle a été conseillée au détenu par son avocat.

Cette démarche a fait jaillir des interrogations sur la bonne foi de l’accusé et de Maître Alain Jakubowicz. Des questionnements que les aumôniers interrogés par La Croix connaissent, même s’il reste très rare que l’avocat suggère à son client d’aller voir l’aumônier.

Dessin réalisé par un détenu pour Guy Tellier, visiteur, comme cadeau pour son ordination de prêtre. en 1966. Guy sera par la suite aumônier à la prison de Tarbes

Des ambiguïtés

« Les détenus entre eux pensent que la participation au culte peut jouer en leur faveur au procès comme gage de bon comportement, soutient Colette Le Guen, aumônière à la maison d’arrêt de Brest (Finistère). Certains nous demandent même de faire des mots de justification, un certificat de bonne conduite ! 

Mais les aumôniers ne sont pas dupes : « les détenus nous savent neutres, rompus à ces tentatives de manipulation », explique le frère franciscain Benoît Dubigeon, aumônier à Fleury-Mérogis (Essonne) depuis huit ans.

Mais un espace de vérité

Présence extérieure au cœur de la prison, « l’aumônier est celui qui recrée un espace de liberté dans leur conscience et leurs relations », analyse le franciscain qui se voit comme « un compagnon d’humanité ». Brice Deymié, aumônier national protestant des prisons, ajoute : « Nous sommes les seuls à pouvoir entrer dans “l’intime” de la prison sans faire partie de la machine judiciaire ou administrative. C’est une bouffée d’oxygène et une présence non “jugeante’’. »

Pour Soeur Christine Foulon, de la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan (Gironde), les aumôniers sont ceux qui ne posent aucune question, qui apprennent à distinguer le crime de la personne et qui, même, parlent d’avenir : « Nous portons la miséricorde de Dieu, qui ne condamne jamais ».

Lors du procès de Nordahl Lelandais, Jean-Marc F. a achevé son témoignage par une exhortation à l’accusé à demander le pardon. « Vous m’avez dit que vous étiez prêt à demander ce pardon mais que vous n’osiez pas […]. Aujourd’hui vous devez ce pardon à la famille d’Arthur. […] Nordhal, je compte sur vous. »

Symbole de la miséricorde, l’aumônier est aussi celui qui l’encourage. « Nous prions pour la victime, et avançons ensemble vers une demande de pardon, » rappelle Colette Le Guen.

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Une mission protégée par la loi

Selon le Code de procédure pénale, toute personne incarcérée doit « doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ». Pour cela, les détenus « peuvent s’entretenir, à leur demande, aussi souvent que nécessaire, avec les aumôniers de leur confession ». Ces derniers doivent recevoir un agrément pour exercer leur mission.

Ces entretiens peuvent avoir lieu dans des salles prévues à cet effet mais aussi en cellule.

Par ailleurs, la loi pénitentiaire de 2009 stipule que les correspondances écrites entre un détenu et son aumônier « ne peuvent être ni contrôlées ni retenues ».

Au niveau national, sept confessions sont agréées pour les aumôneries de prison : les aumôneries catholique, israélite, musulmane, orthodoxe, protestante, bouddhiste et les Témoins de Jéhovah.

Source : La Croix le 4/5/2021– Xavier Le Normand et Youna Rivallain