Premier colocataire de l’association Lazare au Mexique, qui propose à des personnes ayant connu la rue et de jeunes actifs d’habiter ensemble, Sergio a vécu une authentique conversion en prison.
Ingénieur, époux et père d’une jeune fille de 17 ans épanouie qui rêvait de devenir médecin, il avait tout pour être heureux. En 1993, Sergio est un homme prospère. Il a lancé sa propre entreprise et gagne très bien sa vie. Pas d’ombre au tableau, jusqu’au jour où sa fille est sauvagement assassinée par deux hommes. Tout bascule. Dominé par la haine, Sergio ne se soucie plus de rien. Il vend ses entreprises, une de ses maisons et tout ce qu’il peut afin de payer des enquêteurs privés. À partir de là, fou de chagrin, il n’a plus qu’une idée en tête : découvrir les coupables et les tuer. Il achète un Beretta et il y parvient. Mais alors qu’il a prévu une balle supplémentaire pour se donner la mort, l’arme s’enraye inexplicablement. « Je l’ai pointée sur ma tempe et j’ai appuyé sur la détente ; cependant, le pistolet s’est coincé. Il était impossible pour un Beretta de ce calibre de tomber en panne. Que s’est-il passé ? Je le saurais à temps : c’est mon Seigneur Jésus qui a posé son doigt là pour que la balle ne parte pas », racontera-t-il des années plus tard au journal catholique Desde la fe.
Trois visites en 26 ans de prison
Incarcéré à la prison Nord de Mexico, il est condamné quatre ans plus tard à 48 ans de réclusion et transféré au pénitencier de Santa Martha Acatitla. « Quand je suis arrivé là-bas, j’ai perdu la dernière chose qui me restait : mon prénom et mon nom, et je suis devenu le “Colillas” » (mot qui signifie « mégots »), se souvient-il. En effet, n’ayant personne pour lui apporter des cigarettes, il se contentait de ramasser les mégots des autres détenus qui traînaient.
Là-bas, les conditions de vie sont épouvantables : corruption, violences, alimentation insuffisante… Sergio se lève à l’aurore, souffre régulièrement de la faim et se retrouve confronté aux bagarres avec les autres prisonniers et le personnel, lui qui ne s’était jamais bagarré. Au cours des 26 années qu’il passe en prison, Sergio ne reçoit que trois visites. La première de sa femme, venue avec son avocat pour signer le divorce ; la deuxième de son frère aîné, qui l’informe que sa mère est morte de chagrin d’avoir un fils meurtrier, et qui lui crache dessus avant de partir ; la troisième de son oncle Antonio, qui lui promet un poulet rôti qu’il attendra en vain.
Un « crochet en plein cœur »
Un jour, alors qu’il a déjà cumulé dix-huit années de prison, un autre prisonnier lui demande de lui faire la lecture. Et lui tend une Bible. Sergio l’ouvre et tombe immédiatement sur ce passage d’Ezéchiel : « J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36, 26). « Cela m’a fait très mal de lire cela et j’ai fermé la Bible. Je l’ai rouverte, mais plus loin, pour ne pas tomber sur le même passage. Et je suis tombé sur le plus beau passage de tous les passages, Jean 3, 16 : “Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle”. C’était un crochet en plein cœur ! ».
« J’ai réalisé que Jésus était mort pour moi, pour vous, pour tout le monde. Je savais qu’Il avait empêché mon suicide ; que j’avais fait tout ce chemin pour le rencontrer. Je me suis agenouillé et j’ai dit à mon Seigneur Jésus : “Pardonne-moi !”. J’ai senti son étreinte, et j’ai aussi vraiment senti qu’il me disait : “Ne t’inquiète pas, tout ira bien” ».
« Je suis l’homme le plus riche du monde »
Sergio commence à participer à la messe et lit la Bible dans son intégralité. Il enseigne l’anglais à d’autres détenus et travaille au centre informatique, ce qui lui vaut une réduction de peine, et il est finalement libéré après « 26 ans, 9 mois, 14 jours et 17 heures de prison », raconte-t-il. Quand il sort, il n’a que 914 pesos en poche (37,30 euros).
Il essaie de gagner sa vie en réparant des ordinateurs, mais obtient peu de succès. Et c’est alors qu’il fréquente les soupes populaires qu’il fait la connaissance de Juan Manuel. Celui-ci lui confie la réparation d’un ordinateur puis lui demande s’il veut bien participer à une distribution de repas organisée par les bénévoles du projet Lazare à Mexico. L’association Lazare propose des colocations entre de jeunes actifs bénévoles et des personnes ayant vécu à la rue. De fil en aiguille, Sergio sympathise avec les membres de l’équipe et il s’apprête aujourd’hui à devenir le premier résident de la maison Lazare mexicaine qui devrait ouvrir ses portes en février 2021. « Actuellement, j’ai un lit avec des couvertures, une chambre et une nouvelle famille qui a toute confiance en moi. Je suis l’homme le plus riche du monde ! », se réjouit-il. « Aujourd’hui, je sais que l’amour de Dieu n’est pas seulement dans les mots, mais dans les actes », conclut-il.
Source :Aleteia