Pour la deuxième année consécutive, l’épidémie de Covid-19 a contrarié le travail des aumôniers de prison. En France, plusieurs messes de Noël organisées dans les maisons d’arrêt ont été supprimées en raison de l’explosion du nombre de cas positifs parmi les détenus et le personnel.
Comme à l’accoutumée, le frère franciscain Dominique Joly s’apprêtait à célébrer la naissance de Jésus dans la maison d’arrêt de Strasbourg. Mais cette année, la pandémie en a une fois de plus décidé autrement. À peine venait-il d’achever l’installation du sapin ornant la salle dans laquelle les célébrations étaient prévues que l’information est tombée, comme une douche froide : plusieurs détenus et surveillants ont été testés positifs au Covid-19. L’établissement est alors placé sous cloche et la venue de Mgr Luc Ravel, archevêque du diocèse, annulée. « On est obligé de l’accepter, regrette l’aumônier des prisons du diocèse de Strasbourg. C’est très dur pour les prisonniers qui attendent ce moment pour retrouver l’espérance et du baume au cœur durant la douloureuse période de l’incarcération. »
Dans les établissements pénitentiaires, Noël a laissé un goût amer cette année. Des clusters ont été détectés dans plusieurs prisons, notamment à Perpignan et à Fleury-Mérogis. Dans le diocèse de Rennes, trois ont été fermées ; à Toulouse et à Longuenesse (Pas-de-Calais), les célébrations ont laissé place au silence et à davantage d’isolement. « La vie s’arrête, répète à plusieurs reprises Patrick de Miniac, aumônier à la maison d’arrêt de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Tout s’arrête. Lorsqu’un foyer épidémique se déclare, le culte s’arrête, mais également le sport, la culture, les rassemblements. »
Dans la majorité des prisons, les messes de Noël ont toutefois pu être maintenues. Mais, pandémie oblige, il a fallu réduire considérablement le nombre de détenus présents. « Avant le Covid, nous pouvions inscrire 120 personnes, témoigne le père Michel Delberghe, aumônier de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord). Nous avons été contraints de réduire ce chiffre de moitié. » Au long des années passées à côtoyer les détenus, le père Delberghe a pu voir à quel point cette fête est importante pour eux. « Noël réunit les familles. Beaucoup de prisonniers ont pourtant été abandonnés par celles-ci en raison de leurs actes, d’autres n’en ont pas, explique-t-il. De ce fait, beaucoup ne vont pas bien et sont déprimés. »
La pandémie éprouve encore davantage l’isolement des personnes détenues. Au parloir, les visites des enfants encore en relation avec leur parent se raréfient. « Le contact physique n’est plus possible, un plexiglas les sépare », décrit tristement Alice Doucerain, aumônier de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines).
Les protocoles sanitaires stricts ne permettent pas non plus les moments de convivialité qui précèdent ou suivent la célébration. Ainsi les « verres de l’amitié », ces pots partagés entre les animateurs et les détenus durant lesquels on parle famille ou football, ont disparu. Les plus chanceux ont dû se contenter de quelques papillotes. « Après la messe, c’est à peine si l’on pouvait discuter, lâche un animateur francilien. Les mesures sanitaires imposées au niveau national renforcent la séparation des détenus avec le monde extérieur. »
Pour que les contraintes imposées se fassent ressentir le moins possible, les animateurs de messes ont travaillé à la participation des détenus aux célébrations. « Beaucoup de nouveaux arrivants cette année sont étrangers et ne parlent pas français, explique Alice Doucerain. Nous avons traduit les chants les plus répandus en roumain, en anglais et en espagnol. Les lectures ont été faites en plusieurs langues. »
Un point d’honneur avait été mis à la préparation des lieux. « Nous avons célébré dans une salle que nous avions décorée avec un sapin, une crèche et quelques ornements, poursuit-elle. C’était très simple mais nous voulions rompre cette ambiance morose et faire résonner le message d’espérance que porte Noël. »
Supprimée l’an passé dans la prison de Sequedin, la messe de Noël était très attendue. Malgré le nombre réduit de fidèles, le père Delberghe a pu obtenir de l’administration l’ouverture d’un gymnase pour trois messes, dont une a été célébrée le dimanche 26 décembre par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille. « Ils se concertaient sur un mot de remerciement : ”Que va-t-on pouvoir lui dire ?”, sourit l’aumônier. Ils ont été très touchés par sa présence. »
Source : La Croix
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