Le week-end des 29-30 mars 2014 avait eu pour thème « Regard d’amour… Chemin de libération »
– le P. Hervé Duroselle a présenté le projet ONESIME lancé dans le diocèse de Versailles pour la réinsertion des sortants,
– la sœur Bénédicte a décrit la vie des détenus au Dépôt du Palais de Justice de Paris et le rôle de la Communauté de Membré auprès d’eux
– Béatrice Robert a présenté la vie dans le centre de détention des mineurs de Porcheville
– Le P. Brunot Daniel a souligné les souffrances des enfants victimes de violence et a présenté l’association « Un enfant dans la prière »
Notre rassemblement annuel 2014 :
‘Regard d’amour, chemin de libération !’
Quel programme ! Cette rencontre est si importante pour nous. Nous mettons tout en œuvre pour toucher un maximum de membres et de sympathisants ! Puis, nous aimerions tout partager avec vous tous… Mais il faut être réalistes… Tout ne peut pas passer sur ces quelques pages… Notre WE fut vraiment fraternel, non seulement parce que nous nous réunissions, mais aussi parce que nous avons prié et loué le Seigneur ensemble, avec des chants choisis et lancés par Frère Mario et Bénédicte Poncet. Un grand merci à tous les deux, ainsi qu’à tous les intervenants !
Une aide à la réinsertion : le réseau Onésime, par le P. Hervé Duroselle, délégué diocésain à la Pastorale des prisons
Quelques convictions :
Pour le Christ, donc pour l’Eglise, aucune personne au monde ne peut être définitivement enfermée, réduite aux actes mauvais qu’elle a commis. C’est ma 1ère conviction. Au nom du Christ, nous croyons qu’une personne peut regretter, se repentir des actes commis, même très graves, c’est ma deuxième conviction. Enfin, nous croyons qu’elle peut en demander pardon et quelquefois réparer, au moins pour une part ; nous croyons qu’une personne peut se convertir, reconnaître sa faute, et décider de changer de vie. Il faut le lui dire avec les mots, les gestes, les façons de prendre soin d’elle, pour qu’elle puisse l’entendre et le comprendre. Il faut l’accompagner.
Dans la mission qui m’a été confiée, je dois aussi éveiller les chrétiens. Que leur regard sur les personnes détenues soit celui du Christ, un regard d’amour. Il y a un véritable travail à faire. Dernièrement, en rencontrant des terminales d’une école catholique, j’étais devant un groupe de jeunes dont la majorité n’avait comme mot que « C’est bien fait pour eux ». C’est peut-être vrai, quelquefois, mais si ce n’est que ça… on est fichu ! Je crois que là, il y a un véritable travail d’éveil, de partage à faire.
Pour votre part, vous participez à cette mission d’Eglise comme membres du Bon Larron. Vous y participez selon vos charismes propres : premièrement, et c’est tellement important, par la prière, avec tous ces groupes de prière que vous continuer de développer, de constituer ; deuxièmement, par la correspondance ; troisièmement, dans l’accueil et l’accompagnement de quelques personnes qui sont sorties de prison, en particulier celles que vous accueillez et accompagnez à Auffargis.
Le père Eric Aumonier m’a demandé de reprendre cette mission de délégué à la pastorale des prisons. Devant le vrai problème qu’est celui de l’accueil, de l’aide à la réinsertion des sortants de prison, il m’a demandé d’investir le diocèse dans ce travail de réinsertion, d’où le lancement du réseau ONESIME. Je rappelle qu’il est question d’Onésime dans la lettre de Paul à Philémon. Onésime était un esclave que Paul a connu en prison, et qui est devenu chrétien. Paul écrit à son ami Philémon, qui était le maître d’Onésime, en lui disant d’accueillir Onésime non plus comme un esclave mais comme un frère.
Des choses existent au travers de toute la France. Le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), par exemple, a de bonnes idées mais peu de moyens. L’aide porte surtout sur le travail et le logement. Quand il y a de la place, des associations accueillent pour quelques temps ces hommes et ces femmes, mais il n’y a pas d’insertion dans une large communauté chaleureuse et fraternelle les aidant à rencontrer des frères et sœurs, leur permettant de reprendre pied dans la société qui a évolué sans eux. Il y a une grande solitude.
Ainsi, le réseau Onésime se veut un soutien fraternel à des personnes sortant de prison. Cet accueil sera en lien avec les diverses associations, structures et services sociaux, sans se substituer à eux (Secours Catholique, CCAS, Pôle Emploi, associations…) pour retisser le lien social et familial, aider à la recherche d’emploi, de logement, de soins médicaux…
Les personnes pouvant en bénéficier seront proposées par les équipes de l’aumônerie catholique ou du Secours Catholique qui les connaissent dans la prison.
Le fonctionnement d’Onésime est celui-ci : une équipe de 4 ou 5 personnes de la communauté paroissiale est appelée par le curé ou le responsable pastoral après discernement et entretiens et en lien avec la communauté qui accueille. Points importants : être en lien avec les équipes du Secours Catholique, réseaux de proximité ou associations locales ; ne pas se substituer aux services
sociaux compétents ; s’engager à une relecture régulière en équipe et avec le responsable pastoral qui les a appelés. Cette équipe sera en lien avec un membre référent de l’équipe diocésaine pour toutes questions qui se poseraient.
Pour préparer, l’aumônier de la prison ou le Secours Catholique proposent le projet à des personnes détenues qu’ils connaissent et qui souhaitent être accueillies, après avis des services sociaux de la prison. Si la sortie est prévue un peu à l’avance, la personne détenue sera mise en lien avec l’équipe accompagnatrice par une relation épistolaire ou une visite (dans le cadre des Yvelines, l’accord a été donné par la direction de la Maison d’arrêt de Bois d’Arcy, et la demande sera faite auprès des autres chefs d’établissements), mais toujours au nom de la communauté qui accueille.
Devant l’appel de l’Eglise de France, à l’occasion de Diaconia 2013, d’investir les paroisses dans la solidarité, nous avons interrogé un certain nombre de paroisses des Yvelines. Certaines paroisses ont manifesté un vrai désir d’engagement dans ce sens-là, comme une réponse à l’Evangile, et comme une réponse à l’appel de l‘Eglise. Une dizaine de paroisses ont répondu à l’appel, 3 équipes sont déjà constituées, 2 autres pratiquement constituées, et 5 autres en cours de constitution. Deux personnes ayant terminé leur peine sont actuellement accompagnées.
Ce projet est suivi par l’aumônerie nationale des prisons.
Qu’est-ce que la justice réparatrice ?
par Claudine Figueira, de la Fraternité internationale des Prisons
Donc la mission est de voir quels sont les besoins de des différentes personnes (nous-mêmes avons parfois besoin d’être en face de l’autre, dans d’autres circonstances) et c’est justement ce face à face entre des victimes, des agresseurs et la communauté dans un sens large, en prison, qui va permettre un espace de confiance, où la personne est prise en compte, et où la victime et l’agresseur se sentent en confiance. Qui n’a jamais été blessé ? Qui n’a jamais dit un mauvais mot ? Qui n’a jamais heurté quelqu’un ? Qui n’a jamais eu une mauvaise pensée ? Nous avons tous eu une mauvaise pensée, mais c’est justement ce face à face entre des victimes, des agresseurs et la communauté dans un sens large, en prison, qui va permettre un espace de confiance, où la personne est prise en compte, et où la victime et l’agresseur, se sentent en confiance.
C’est justement lorsque le détenu peut avoir ce face à face, non pas directement avec sa victime, mais avec une victime, qu’il peut toucher du doigt la personne ; dans cet espace de parole, le travail peut commencer à se faire. Si le détenu accepte ce temps d’écoute, dans un cadre bien défini, comme l’a mentionné le Père Duroselle, il peut commencer à assumer sa faute, à demander pardon, à changer de direction. On ne change pas de vie du jour au lendemain, ça ne se passe pas seulement dans la tête ; pour agir, il faut que ça aille au cœur. Et comment cela peut-il aller au cœur ? En ayant un échange, en ayant une écoute, des ambassadeurs de paix, des toits ouverts. Nous sommes des ‘toits ouverts’, comme ces hommes qui ont amené le paralytique à Jésus, par le toit ouvert, et que Jésus a guéri. Voilà ce que nous sommes, et voilà ce que nous recherchons. C’est donc par cette démarche-là que le détenu, la victime et la communauté peuvent se demander pardon, se réconcilier et avoir réparation de torts.
Dans le cadre de ce projet, je me suis occupée d’une dame qui, à 60 ans, nous a avoué qu’elle avait été abusée par son père et sa mère. Mais aussi, comme ils se rencontrent dans un espace où ils peuvent communiquer leurs peines, leurs angoisses, on arrive à avancer, on va plus loin. C’est un programme fondé sur les bases bibliques, et c’est important de le noter. Il est fondé sur cette histoire de Zachée, que vous connaissez sans doute en Luc 19. Zachée, ce collecteur d’impôts juif qui travaille pour les Romains, met plus d’argent dans sa poche que ce qui lui revient. Et lorsque de Jésus arrive à Jéricho, et que toute la foule est assemblée, que fait-il ? Il ne va pas vers la foule, il va vers Zachée, qui se trouve
dans un sycomore -parce qu’il est petit. Jésus l’appelle personnellement : -Zachée, descend de ton arbre. Toi, Zachée, viens. Les gens : – Lui, le voleur ? Le collecteur d’impôts qui nous prend de l’argent ? Lui qui m’empêche de vivre, lui, appelé par Jésus ? ! Et que luit dit Jésus ? – Ce soir, on va dîner ensemble. La Bible ne parle pas du contenu de l’échange entre Jésus et Zachée, mais que se passe-t-il à la sortie de ce dîner ? Zachée est un homme changé, il dit « Je donnerai la moitié de ma fortune aux pauvres, et quatre fois plus que je n’ai volé ». Et Jésus dit : « Toi et ta famille vous serez sauvés, et tu es un fils d’Abraham ». Cela signifie : tu fais à nouveau partie de la communauté. Zachée va réparer ses torts. Et voilà le cœur du programme : c’est le pardon, la réconciliation et on peut à nouveau marcher sur un même rail, car on reconnaît ses torts, on se réconcilie, et on avance. On ne peut changer le passé mais on peut changer le futur.
Ce programme s’adresse à tous – nous avons tous besoin d’être restaurés : dans le couple, dans nos familles, dans nos églises, au travail. Donc je vous demande aujourd’hui : est-ce que le Seigneur vous appelle à sortir de votre zone de confort et à proclamer aux captifs la délivrance.
Regard d’amour, chemin de libération,
par Sr Bénédicte Labelle, sœur de Marie-Joseph et de la Miséricorde,
Dépôt du Palais de Justice de Paris
Le thème de votre rencontre est tout à fait dans l’axe du charisme de notre congrégation, dont la spiritualité est centrée sur le Mystère Rédempteur du Christ et son Amour Miséricordieux pour les pécheurs. Les sœurs sont arrivées au Dépôt de la Préfecture de Police de Paris en 1865. Dès cette date, elles ont été responsables, jour et nuit, du quartier femmes. Ce n’est que fin 1999 que la Préfecture a désiré mettre, à côté des sœurs, des gardiennes de la Paix pour assurer la sécurité.
Entre-temps, en 1993, un Centre de rétention administratif (CRA), a été installé dans des locaux contigus. La communauté s’est donc tout naturellement vu confier la même mission au CRA qu’au Dépôt à proprement parler.
Regard d’amour
Je cite l’’une de nos sœurs à propos de notre spiritualité de miséricorde. Parlant de Jésus, elle écrit : « Son regard se fait attentif aux plus pauvres comme sur l’offrande de la veuve ; Il relève les pécheurs comme le publicain dans la synagogue. Son regard d’amour questionne les plus nantis comme le jeune homme riche, pénètre le cœur de ses disciples comme Pierre dans la tourmente de la passion. Il reconnaît la main de la pauvre femme qui le touche dans la foule oppressante, Il entend l’aveugle que l’on fait taire sur le bas-côté du chemin. Ses mains, sa salive, ses mots guérissent. Jésus entre en dialogue avec tous, sa parole change le regard, elle pénètre et convertit la Samaritaine et bien d’autres avec elle. »
Combien de fois entendons-nous : « Comment faites-vous pour côtoyer des criminels ? Ce n’est pas trop dur ? Vous êtes courageuses… ».
Sans en tirer aucun mérite, car tout ce que nous vivons nous le tenons de la grâce de Dieu, il est vrai que nous portons ce que j’appelle : la grâce du regard. Ce n’est pas l’acte, ce n’est pas la prostituée, la droguée, l’infanticide, ou l’alcoolique… que nous rencontrons en prison ou en maison d’accueil, mais une personne voulue et aimée de Dieu, appelée, comme le fils cadet de la parabole, à retrouver sa dignité de fils et fille de Dieu, de frère ou sœur en Jésus Christ. Les personnes que nous touchons sont nos frères et sœurs en humanité et plus encore en Jésus Christ.
Mais il faut aussi, je pense, élargir le sens du mot regard aux autres sens : ce peut être une parole ou simplement un geste d’amour… Récemment, au CRA du Dépôt : une de nos bénévoles se trouve près d’une roumaine d’un certain âge, aux vêtements sales et qui sentaient mauvais… Cette femme était triste, mais ne parlait pas un mot de français ; le dialogue était donc difficile ; et pourtant elle voulait lui témoigner son intérêt, sa compassion ; alors elle a eu un geste vers cette femme : elle lui a caressé doucement, longuement le visage ; et ce visage s’est peu à peu épanoui, un sourire est apparu ; il n’y pas eu de mot prononcé, mais est-ce que la miséricorde de Dieu ne s’était pas manifestée, permettant à cette femme de retrouver un peu de dignité.
Chemin de libération
Il faudrait d’abord définir de quelle libération nous avons besoin ? De quoi nous cherchons à être libérés ?
Si nous parlons de la détention, il peut s’agir de la solitude, d’une absence de relation. Or le regard établit la relation entre deux êtres. Et ce regard, s’il peut être destructeur lorsqu’il juge, peut aussi, lorsqu’il est regard d’amour, être libérateur dans la mesure où il valorise celui que je regarde. Car il signifie alors que j’ai, d’une
certaine façon, besoin de lui.
La plupart des gens que Jésus rencontre sont des vies ratées, des excommuniés, des déchus, et il suffit de la rencontre, d’un regard, d’une parole, et voici qu’ils basculent sans préalable, sans condition, de la déchéance à la sainteté… Jésus est le génie de la rencontre. Il est dans sa personne la plénitude de la rencontre, celle de l’Homme et celle de Dieu : c’est son être, sa vie, son bonheur, son tourment, c’est son visage, c’est sa parole. C’est pour cette rencontre qu’il est venu chez nous, et c’est là tout l’Evangile. »
Chemin de libération, chemin de miséricorde, chemin d’amour : ces expressions ne sont-elles pas synonymes ?
La miséricorde, c’est l’amour de Dieu au-delà de la justice. C’est cela la bonne nouvelle : Jésus vient révéler que dans la vie de chacun, il y a Quelqu’un qui l’aime avec assez de force, qui le nourrit avec une confiance telle, qu’il peut exister libre et indépendant.
Pour terminer, je voudrais reprendre les paroles du Pape François, lors d’une audience des aumôniers de prisons italiennes : »Le Seigneur est proche, mais dites-leur par les gestes, par les paroles, par le cœur, que le Seigneur ne reste pas à l’extérieur de leurs cellules,… qu’il est à l’intérieur, avec eux… Lui aussi est un détenu… aucune cellule n’est isolée au point d’exclure le Seigneur, aucune : Il est là, il pleure avec eux, il travaille avec eux, il espère avec eux. Je prie pour que chacun ouvre son cœur à cet amour. »
Creuser la blessure pour que coule la Miséricorde,
Abbé Bruno Daniel, Conseiller religieux d'UEDLP (Association Un Enfant dans la Prière)
Qu’est « UEDLP – Un Enfant Dans La Prière » ?
C’est d’abord une intuition de Mona, professeur dans un collège public, engagée comme « Point écoute ». En 1998, elle s’est réveillée, redécouvrant Dieu, Trinité d’Amour, la prière, les sacrements, l’Église, tout ce qu’elle côtoyait sans en savoir le prix. « Point écoute », redécouvrant la prière, elle sentit vite l’évidence de confier à des frères et sœurs dans la foi, le prénom (et rien d’autre) d’enfants en souffrance, d’enfants maltraités.
Puis, il nous devint évident que celui qui avait le plus besoin de prière était l’adulte qui avait maltraité un enfant. Nous avons donc confié à nos priants, un second prénom. Enfin, troisième étape, nous nous sommes rendu compte que ces « deux enfants » de Dieu, nous invitaient à être le « troisième enfant » de Dieu pour eux deux. En fait, « Un Enfant Dans La Prière », c’est la rencontre de « Trois Enfants de Dieu ».
Et, me direz-vous, quel est le lien avec la prison, le lien avec le Bon Larron ?
C’est que dès le début de ce qui est devenu en 15 ans, une œuvre de 2300 priants, répandue dans 25 pays, Mona m’avait dit qu’il fallait demander à des prisonniers de devenir priants. Et voilà que notre évêque, lui-même priant de l’œuvre, nous a demandé, l’an dernier, que cette œuvre devienne une œuvre d’Église. Liés, lui et nous, à Paray-le-Monial, au Sacré-Cœur, Mona ayant reçu de la Providence un signe étonnant le 15 février 2000, il a bien voulu signer notre reconnaissance le 15 février 2014, jour de la fête de Saint Claude La Colombière.
Et voici le lien. A la fin de l’entretien de reconnaissance de UEDLP comme œuvre d’Église, il nous a demandé de nous tourner vers le monde des prisons et vers leurs aumôneries, afin d’y déployer cette œuvre de miséricorde. Je n’ai pu que lui dire qu’il rejoignait ainsi l’intuition originelle de Mona.
Reste ce qui est pour nous volonté, appel de Dieu, que des personnes condamnées soient reçues comme frères et soeurs d’intercession au service de sa Miséricorde.
Que vous soyez en ce moment en prison, ou sorti d’incarcération, ou bien encore ami par le Bon Larron, nous vous invitons à devenir « Petite flamme de Miséricorde » dans cette œuvre. Vous recevrez deux prénoms à garder dans votre cœur, dans votre prière, chacun à votre façon.
C’est tout, mais c’est énorme, quand, comme Mona, on a redécouvert la Miséricorde du Cœur de Dieu et la force de la Prière.
Vous pouvez nous contacter à : uedlp@wanadoo.fr
et visiter notre site : http://uedlp.canalblog.co
Témoignage d’une détenue ayant rencontré dans sa prison ce « regard d’amour, chemin de libération… »
et Aude Siméon, professeur à la Centrale de Poissy (1).
– Pensiez vous qu’il vous arriverait de ‘tomber’ en prison ? Peut-on être sûr d’y échapper ?
Pour moi, ceux qui étaient en prison l’avaient bien mérité. Nourris, logés, blanchis, chauffés, ils n’avaient pas à se plaindre ! Et puis la vie m’a montré qu’aujourd’hui personne n’est à l’abri de s’y retrouver…
– Quel a été votre état d’esprit au début de votre incarcération ?
D’abord, le ciel vous tombe sur la tête. Il faut tout gérer à la fois : comprendre le fonctionnement de ce nouveau milieu, et comprendre ce qui se passe alors dans sa vie… Puis je me suis sentie infantilisée, car assistée en permanence pour les moindres gestes ou occupations. Enfin j’ai souffert de l’enfermement, de l’isolement, de la séparation (d’avec mon mari, « la prunelle de mes yeux »), de la cohabitation (dure avec une droguée…), du manque d’intimité (on est sans cesse observée). Après, j’ai connu les moments de désespoir (quand donc sortirai-je ?), d’angoisse (que devenait ma famille ?), de colère.
– Aviez-vous conscience de votre crime ?
Il m’a fallu entreprendre une psychothérapie pour mesurer vraiment la gravité de ce que j’avais fait… Et ma psychothérapie n’a commencé qu’après 3 ans et demi d’incarcération. C’est alors que j’ai compris que j’avais passé 20 ans avec un homme que je ne connaissais pas, et sous l’emprise duquel j’avais accepté de vivre. J’ai aussitôt demandé le divorce et averti mes enfants. Le plus difficile alors a été de retrouver un but dans ma vie, car avant je ne vivais que pour et par mon mari. Avec l’aide de ma psy, j’ai décidé prendre le temps de me reconstruire. L’éventualité de revoir mon mari m’avait aidée à tenir le coup. Maintenant c’est l’espoir de revoir mes enfants et, qui sait, de participer un peu à leur vie qui me soutiennent.
– Comment vous êtes-vous accoutumée aux conditions d’incarcération ?
Le plus dur a été de mettre en place de nouvelles habitudes. J’ai repris des études, en comptabilité, en anglais, et maintenant DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires), suis rentrée aux ateliers, je participe au magazine local « Mur Mure ». Bref, je ne vois plus le temps passer ! Même si les conditions de vie sont parfois pénibles (les détenues ne se font pas de cadeau), l’incarcération a été l’électrochoc indispensable pour que je reprenne ma vie en main.
-Qui vous a particulièrement aidée dans ce travail de reconstruction ?
J’ai la chance d’avoir rencontré une aumônière protestante exceptionnelle. Aucun prosélytisme. Elle nous raconte simplement les expériences qu’elle fait quotidiennement avec Dieu. Elle n’a pas voulu connaître mon histoire. C’est entre Dieu et moi que ça se passe… J’étais tellement butée que Dieu n’a trouvé que la solution de me faire rentrer en prison pour reprendre le contrôle de ma vie, comme le bon berger qui recherche sa brebis égarée. Certaines brebis se mettent dans de drôles de situations ! Dieu a bataillé dur pour me sortir de là : il a fait le nécessaire pour que je retrouve mon chemin… Grâce à mon aumônière, Dieu est désormais le compagnon fidèle, à qui je confie mes joies et mes peines, que je remercie de tout ce qu’Il m’offre chaque jour. La Foi, c’est cette force qu’on ressent quand malgré toutes les erreurs et les horreurs qu’on a pu faire, on se sent inconditionnellement aimée…