Depuis 2005, l’association Relais Prison-Société multiplie les actions de formation pour aider à la réinsertion des détenus et anciens prisonniers.
Un grand hôtel de Casablanca a abrité le 9 février 2021 la conférence de presse de présentation des résultats et perspectives du projet « Pour une inclusion innovante des jeunes du Hay Mohammadi ». L’occasion de présenter cette initiative et de valoriser la qualité des capsules-vidéos produites par les jeunes bénéficiaires de formations en vidéos. « C’est un projet qui donne la parole aux jeunes et les fait participer à la prise de décision dans les initiatives les concernant. Notre objectif, c’est de créer une pépinière de jeunes créateurs de capsules vidéos et que cette formation leur permette à la fois, de faire passer leurs messages, mais aussi d’être un tremplin dans leur vie professionnelle », explique Youssef Madad, coordinateur du projet au sein de Relais Prison-Société. Ce cycle de formation qui a débuté en avril 2020 et s’est terminé mi-janvier 2021, « a vu la réalisation de 108 séances de formation sur les techniques de la photographie, la vidéographie et le montage ainsi que du coaching et a bénéficié à 52 jeunes du quartier Hay Mohammadi, dont sept jeunes filles. » « Le projet d’incubation, doté d’un studio dédié à la production et au montage vidéo en est à sa troisième promotion. Nous comptons continuer afin de faire bénéficier un plus grand nombre de jeunes de ces formations », ajoute Youssef Madad.
À la rescousse des détenues mères
Créée par Fatna El Bouih, qui a elle-même été emprisonnée durant les années de plomb, l’association Relais Prison-Société s’est d’abord concentrée sur les dizaines d’enfants incarcérés avec leurs mères. « Nous avons essayé de changer la sombre réalité des femmes et de leurs enfants vivant en détention, à commencer par introduire des crèches dans les quartiers des femmes dans la plupart des prisons marocaines », souligne Fatna El Bouih.
Dans la prison casablancaise d’Oukacha, l’ONG avait engagé en 2005, pour une durée de trois ans, une éducatrice au profit des enfants vivant en détention avec leurs mamans.
En 2007, et pour la même prison, l’association a engagé une psychologue afin de faire le suivi psychologique des détenues, surtout pour celles qui en avaient besoin. Des enfants ont été confiés à l’orphelinat « SOS Villages » à leur sortie de prison. L’association s’est également investie pour la scolarisation et l’achat des fournitures scolaires pour les enfants des détenues…
Relais Prison-Société continue ce travail, tout en développant des solutions de réinsertion pour les détenus, une fois en liberté. Des formations en électroménager et en jardinage ont été ainsi dispensées à des dizaines de détenus pour les préparer à la réinsertion. Une trentaine de résidentes du Centre Abdeslam Bennani ont également bénéficié de la formation, cette fois en pâtisserie. Une action fondamentale pour lutter contre la récidive.
L’entretien avec Fatna El Bouih, secrétaire générale : le surnombre, un handicap pour la réinsertion
Pourquoi avez-vous décidé de créer l’association ?
En 2005, j’avais décidé de passer de la dénonciation au travail de terrain, afin d’offrir une seconde chance aux détenus. Nous avions pris conscience qu’il fallait travailler dans les prisons, mais aussi en dehors de la prison, afin d’aider les anciens prisonniers à se réinsérer dans la société et lutter contre la récidive.
Quelles sont les principales actions de Relais Prison-Société ?
Tout d’abord, on a travaillé avec les mères détenues qui étaient accompagnées de leurs enfants. Avec elles, nous avons développé des groupes de parole. À l’extérieur des prisons, nous menons un travail d’accompagnement avec de l’écoute, de l’orientation et de la gestion des dossiers. Nous nous impliquons également dans la formation des anciens prisonniers et leur placement. Ces derniers nous sollicitent pour les aider à avoir leur certificat de réhabilitation. Il s’agit d’actions concrètes dans les tribunaux afin d’enlever lewsakh, les antécédents. C’est le seul moyen pour les anciens détenus d’avoir un fichier anthropométrique vierge, qui leur facilite la tâche pour trouver du travail, et donc de se réinsérer. Ces « antécédents » sont une des causes de la récidive puisqu’il les condamne à ne pas trouver de débouchés, ni dans le public, ni dans le privé.
Quel est le problème majeur dans nos prisons ?
Le surnombre constitue un véritable handicap pour tout projet de réinsertion. Nous ne pouvons pas préparer des programmes efficaces de rééducation dans ces conditions de surpopulation carcérale.
Quels sont vos projets les plus récents ?
Depuis deux ans, nous avons constaté que la formation n’est pas suffisante afin de prémunir les détenus de récidive. Des jeunes qui ont fui l’école, qui sont devenus délinquants, ne vont pas automatiquement se sentir bien s’ils reviennent à l’école, même si c’est sous une autre forme. Ces personnes ont besoin également d’ouverture, d’accès à l’art, à la culture, au développement personnel et au coaching. C’est pour cela que nous avons intégré cette donne-là dans nos plus récentes actions, notamment pour les jeunes des quartiers défavorisés.
Le portrait de Saïda Abbad, technicienne d’insertion professionnelle, conductrice de projets
Aujourd’hui retraitée de l’ONCF, cette fille de cheminot a été la première femme marocaine à conduire un train. « Mon père conduisait lui-même le train. Après mon bac, j’ai décidé de suivre ses traces et de rejoindre l’ONCF en 1992, en tant qu’agent de bureau ». Saïda Abbad a évolué dans un secteur très masculin, mais elle a réussi à s’imposer et est devenue, en mars 1999, conductrice de train. Une première nationale ! Avant de rejoindre l’association, Saïda Abbad a été militante syndicaliste au sein de l’UMT. Elle a ainsi représenté les femmes du transport dans les instances internationales. Aujourd’hui, elle travaille au sein de l’équipe de Fatna El Bouih afin de participer à la réinsertion des anciens détenus. Elle les accueille, les accompagne pour trouver du travail, assure le suivi juridique afin de leur obtenir, le si précieux certificat de réhabilitation. «Un travail que je n’aurais jamais pu accomplir sans le soutien de l’assistante sociale et la coordinatrice du projet». Un bel hommage de cette grande dame au travail d’équipe !
Coordonnées de l’Association Relais Prison-Société
Hay Mohammadi, centre Multidisciplinaire Dar Lamane, Bd Ali Yaata – Anciens locaux de police – à côté de l’annexe 48 de l’arrondissement – Casablanca
Tel : 05 22 62 36 65
Source : etlettres.com