Le travail en prison a plusieurs vertus pour les détenus et pour les entreprises. Une réforme du travail en milieu carcéral est en préparation en France pour encourager et mieux encadrer le travail en milieu carcéral.
Derrière les murs, près d’un détenu sur trois travaille. Soit en participant aux tâches quotidiennes de la prison ou pour l’une des 400 entreprises qui a choisi de déléguer une partie de sa production aux travailleurs du milieu carcéral. Les conditions d’emploi de ces ouvriers derrière les barreaux tendent à s’améliorer. Le travail en prison est un premier pas vers un retour à la liberté.
Quel est le poids du travail en milieu carcéral ?
Il est de moins en moins important. C’est tout l’enjeu : remettre la moitié de la population carcérale au travail, dans les cinq ans. En 2000, 71 000 détenus travaillaient contre 20 000 aujourd’hui. « La situation tend à s’améliorer », précise Albin Heuman, le directeur de l’Atigip (agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice). Cette agence créée il y a trois ans vise à coordonner et promouvoir le travail en détention.
Moins de 4 % des détenus français sont des femmes mais leur taux d’emploi est plus élevé que les hommes. « Elles ont moins de choix de formation et les métiers concernent principalement la confection », déplore le directeur de l’Atigip.
Les chances d’accéder à un travail en détention varient très fortement d’un type d’établissement à l’autre. « Les Maisons d’Arrêt (MA), réservées aux prévenus et aux courtes peines, font face aux difficultés les plus grandes : elles supportent presque toute la surpopulation carcérale et connaissent le taux d’emploi le plus faible », avance le rapport d’Économix sur L’économie du travail en prison : enjeux, résultats et recommandations.
Quelles activités exercent-ils ?
Il existe trois façons de travailler en maison d’arrêt (peine courte) ou centre pénitentiaire (peine de plus de deux ans). Soit dans le service général (activité pour faire tourner la prison : cuisine, hygiène…). Soit dans l’un des 600 ateliers de production pour le compte de la Régie Industrielle des Établissements Pénitentiaire (Riep).
En clair, les détenus travaillent dans trois domaines d’activité : le numérique, recyclage et service aux entreprises. Par exemple, ce dont des détenus qui sont à l’origine du site internet de l’Atigip. Ou plus ironique qui fabriquent matraques et menottes pour les services de police. Le chiffre d’affaires de la Riep s’élevait à 35 millions d’euros en 2020. Dernière option, les détenus exercent pour une entreprise extérieure qui s’installe en prison. Dans le jargon carcéral, elles sont appelées « concessionnaires ». Pas de chiffre d’affaires dégagé, connu.
Pourquoi les détenus travaillent moins qu’avant ?
Ce n’est pas un manque de volonté. « L’administration ne parvient pas toujours à fournir un travail à tous ceux qui en font la demande », rappelait la Cour des comptes en 2006. La première explication est liée à la surpopulation. Avec un taux d’occupation de 140 à 200 % de certains centres pénitentiaires, pas facile de mettre en place une activité professionnelle.
La crise de 2008 a aussi laissé des traces. « Le nombre de concessionnaires est passé de 600 à 300. Aujourd’hui, nous en sommes à 400 », déplore Albin Heuman. Enfin, le public qui arrive en prison « est déjà de plus en plus éloigné de l’emploi avec des parents ou des grands-parents qui n’ont jamais travaillé. C’est le monde de la très grande pauvreté… ». Plus de 50 % se déclarent sans emploi à leur arrivée et 53 % sont sans diplôme, d’après l’Atigip.
Combien sont-ils payés ?
Moins qu’en liberté. Le taux horaire moyen en régie est de 5,6 € brut, 4,7€ dans les concessions et 2,2 € au service général. Les salaires horaires étant faibles et les temps de travail réduits, les revenus tirés du travail pénitentiaire sont donc très faibles.
Selon les auteurs du rapport d’Economix qui s’appuient sur des données de l’Assemblée nationale et de l’Administration pénitentiaire, ils estiment que « pour un poste de travail, les détenus reçoivent en moyenne entre 250 € pour un travail au service général de la prison, et 315 € en atelier ». Cette faible rémunération s’explique par « la prise en compte d’un public particulier et moins productif », justifie Albin Heuman. Beaucoup de tâches restent répétitives pour ces travailleurs. La rémunération à la pièce tend également à disparaître.
Quel type d’activité ?
« Les tâches de production dans les ateliers correspondent pour environ 90 % à des activités de manutention et de façonnage peu qualifiées du secteur secondaire (emballage, assemblage, mise sous pli, travail du bois ou du métal, etc.), et beaucoup plus rarement à des activités de service (comme des centres d’appels téléphoniques ou de la programmation web) », relève le rapport d’Économix.
Quels avantages pour les entreprises ?
« Le travail pénitentiaire permet essentiellement de produire à bas coûts puisque les salaires versés sont très faibles, les cotisations patronales sont allégées d’environ moitié, et les coûts administratifs et de gestion quasi-nuls pour l’entreprise », résume un rapport d’Economix. Cela peut en faire une alternative à des délocalisations dans des pays à bas coût du travail.
Les plus optimistes diront que les entreprises ont une démarche sociale en aidant des détenus à se former. D’autres, qu’elles les exploitent. Par crainte de ce reproche, peu communiquent sur leur démarche, à l’image de Décathlon qui faisait monter des vélos par des détenus. « Il faut améliorer l’image du travail en prison », concède Albin Heuman.
Comment attirer des employeurs en prison ?
L’Atigip a créé un label nommé « PePs » pour « Produit en Prisons ». Quinze entreprises l’ont décroché et s’engagent à bien rémunérer selon le taux horaire en vigueur, s’engagent pour l’insertion des détenus à leur sortie et à donner une activité utile à la sortie. Une plateforme nommée IPRO 360° vient aussi d’être lancée en ligne. Elle cartographie les ateliers en prison qui accueillent des entreprises par région.
Pour quel intérêt ?
Sur le plan social, le travail ou la formation professionnelle en prison préparent à la sortie. « L’insertion professionnelle est un facteur déterminant de prévention de la récidive », exprime le directeur de l’Atigip. Car 59 % des personnes sortant de prison sont recondamnées dans les 5 ans qui suivent leur sortie.
Sur le plan économique, les prisonniers gagnent en autonomie. Ils peuvent cantiner jusqu’à 200 € par mois. Au-delà, des prélèvements obligatoires sur leur petit revenu s’appliquent pour le paiement des parties civiles et des pensions alimentaires. Enfin, une épargne obligatoire de 10 % sur les revenus restants permet aux détenus de constituer un pécule de sortie.
Source : Ouest France