Adieu à Claude Forcadel, un grand ami et témoin de Christ, prononcé par François Broustet, ancien président de la Fraternité du Bon larron, après le décès de Claude la veille de la fête de l’Assomption 2017

Je fis sa connaissance lors d’une session du Bon Larron au Chesnay.Je pensai  de prime abord à la chanson : qui c’est celui-là ?, il a une drôle de tête celui la….mais dès que l’on parlait avec lui, on devinait que le personnage ne manquait pas d’intérêt.

Il racontait volontiers son invraisemblable itinéraire dans la vie, d’autant plus volontiers qu’il savait bien que le Seigneur l’avait tiré des enfers de l’alcool et de la délinquance pour qu’il témoigne de son amour et de sa puissance.

Son témoignage était une grande leçon d’humilité pour nous tous.

Claude Forcadel témoigne le 14 avril 2012

Rendu alcoolique  par la gnole qu’une voisine mettait dans son biberon pour le faire dormir, il grandit difficilement avec des handicaps : l’enfant qui tournait sur lui-même, et qui fût pour cela martyrisé à l’école. Mal conseillé par le démon, il rendit méchanceté pour méchanceté, et devint un de ces marginaux que tout le monde repousse. Violence, prison, bagarres et en plus, il emboucanait la m…, il suivit le chemin classique de ceux que tout le monde déteste. Cependant une femme essaya l’aider à s’en sortir, mais la tâche était bien lourde.

Et puis sans doute, un jour le Seigneur se lassa de ses souffrances, posa son doigt sur lui. Nous avons entendu maintes fois ce récit : Claude c’est ton heure, lève-toi !

Alors qu’il buvait une dernière bière avant de mourir de froid sur le trottoir « qui lui était remonté à la gueule », il entend cette voix, appelle un ami rencontré aux alcooliques anonymes, Serge le bon samaritain qui va l’accueillir, le laver l’habille le nourrir.

Et son chemin de rédemption commence. Le père Aubry le catéchise.il sera baptisé avec pour parrain un gendarme, qui pour la première fois de vie ne lui courra pas après ! Humour du Saint Esprit !

Et Claude va devenir un témoin, racontant merveilleusement son chemin des centaines de fois, avec son inimitable voix de série noire.

Je lui demanderai de venir témoigner à Bordeaux. Il loge à la maison. A son arrivée mon épouse me prend à part et me dit : tu as vu les gens que tu m’amènes ?ils deviendront très amis !

Le soir de son arrivée, comme le groupe de prière se réunit près de la gare, je lui dis : Claude on va manger un morceau ? On a juste le temps. Il choisit une entrecôte. Comme il le dit lui-même avec humour, il a 32 dents mais deux dehors, et les autres dedans. Il transforme donc laborieusement son entrecôte en steak haché .Je vois la pendule tourner. Le berger du groupe est assez strict, je me dis : si on est en retard, pas de témoignage. On sera en retard, mais il pourra cependant témoigner, dans une version condensée !

Cinq ans plus tard, même scénario : que veux-tu Claude ? Une entrecôte !le fou-rire me gagne, mais cette fois son témoignage est le centre de soirée, et il le donnera en entier !

Parfois il m’appelait : oh François je suis chez Famille Chrétienne avec Luc Adrian. Si tu veux, il peut te passer un article ! Ce n’était pas du bluff.

Nous avons vécu ensemble beaucoup de sessions à Paray, ce fut parfois haut en couleur. Alors que je discutais avec des personnes intéressées par notre œuvre, il arrivait en chantant à tue-tête, et avec talent : ah quand reviendra le temps des cerises, du gai rossignol…Chuut Claude tu vois bien que je parle avec monsieur…

Nous sommes passés plusieurs fois sur Radio Espérance. Après son témoignage, nous avons chanté ensemble une de ses compositions à la gloire de Jésus sur un air des Platter. La journaliste me dit : je suis musicologue, il l’oreille absolue. Je pense alors : celui que beaucoup ont rejeté avait de grands talents : excellent chanteur, excellent poète, excellent conteur. Nous devrions changer notre regard sur les marginaux…

Il me sidérait aussi quand à Paray le Monial, il apercevait un des nombreux évêques de lui connus, lui sautait au cou, l’appelant par son prénom…

Après chacun de ses témoignages dans les tentes des jeunes, on venait sur notre stand acheter son livre. Il touchait tout le monde en témoignant d’un Dieu vivant et bon.

Parfois aussi, il dérapait un peu : A Montligeon, alors qu’un prêtre nous fait un magnifique exposé sur le purgatoire, on entend sa voix tonitruante, venue d’on ne sait où, car il était maigre comme un coucou : « le purgatoire ça n’existe pas, ma mère, elle ne pratiquait pas mais elle est allée directement au ciel ! » Aie…je réussis à lui faire quitter la salle. Le lendemain, il présenta ses excuses…

Une de ses grandes joies fut la vocation de prêtre que reçut un jeune en écoutant son témoignage. Il assista en bonne place à son ordination.

Il m’avait souvent confié qu’il pensait mourir à 70 ans, et me pressait d’éditer ses œuvres poétiques ; ce que l’on réussit à faire.

Le bon Dieu le garda un peu plus longtemps sur terre, mais sans le guérir de son addiction au tabac. Il fumait beaucoup mais gardait une voix puissante. Je lui disais an plaisantant que les anges étaient obligés de lui ramoner les poumons pour qu’il témoigne.

Le Seigneur a sans doute permis ses dernières souffrances pour qu’il soit configuré au Christ sur la croix…Et comme, selon lui, il n’y a pas de purgatoire pour les justes, il doit voir en plénitude ce Jésus qu’il a déjà  tant aimé sur terre.

A bientôt Claude