Le sens chrétien de la souffrance
exposé par le P. Dominique Lamarre lors de la Rencontre annuelle de la Fraternité le 13 mars 2016

Parler de la souffrance, c’est se taire !

Le cardinal Veuillot a affirmé « Dites aux prêtres de ne pas parler de la souffrance. Qu’ils n’en parlent pas ; ils ne savent pas ce que c’est »

Cependant, parmi les textes forts publiés par St Jean-Paul II, il y a la Lettre Apostolique « Salvifici Doloris » datée du 11-2-1984 qui met en relief la valeur salvifique de la souffrance et nous aide à découvrir le sens chrétien de celle-ci.

D’ailleurs,, ce document a été précédé des discours sur ce thème lors des audiences générales d’octobre 1981 qui ont suivi l’attentat dont il a été victime le 13 mai 1981. Il a expérimenté dans sa chair la souffrance.

Sainte Thérèse de Lisieux, à la fin de sa vie, s’exclamait « Ah ! Je sais ce que c’est que la souffrance ! » et  « C’est facile d’écrire de belles choses sur la souffrance, mais d’écrire, ce n’est rien ! Il faut y être pour savoir ! ». « Plus on avance dans la vie, plus on souffre ».

Après sa 1ère communion, elle avait senti naître en son cœur un grand désir de la souffrance. Pour sa confirmation, elle trouve la force de souffrir, jusqu’à dire « le vrai bonheur, c’est souffrir ». C’est elle qui, en 1926, annoncera à Marthe Robin sa mission de souffrance.

Elle avait affirmé : « Une journée sans souffrance est une journée perdue » Tout le monde ne peut pas s’approprier de telles paroles.

C’est en quelque sorte un mystère qui s’éclaire, pour les croyants, uniquement à la lumière de la croix. D’ailleurs, l’abbé Hurlin dit « Si la croix ne vient pas la sanctifier, la souffrance empêche l’âme de vivre haut… La souffrance peut paralyser ; elle est utile et salutaire si elle ne durcit pas le cœur car Dieu entre par nos blessures.

A l’école de St Jean-Paul II

La souffrance, comme la mort, fait partie de la vie. Elle est essentielle à la nature de l’homme.
Elle semble appartenir à la transcendance de l’homme qui est destiné à se dépasser lui-même d’une façon mystérieuse. Elle semble quasi inséparable de l’existence terrestre.

Tout homme fait corps avec l’Eglise, « en particulier quand la souffrance entre dans sa vie ».

L’Eglise, née de la Rédemption accomplie par la souffrance de Jésus Christ sur la croix, doit rechercher la rencontre avec l’homme sur le chemin de la souffrance. La souffrance inspire la compassion, le respect qui sont des besoins du cœur et un impératif de la foi. Elle intimide car elle est porteuse d’un mystère. Elle n’est pas simplement physique (réponse proposée par la médecine) liée à la maladie. Il y a aussi la souffrance morale qui est une douleur de l’âme.

L’Ecriture Sainte est un grand livre sur la souffrance, notamment les Psaumes. Elle décrit une grande variété de situations douloureuses, comme dans l’Histoire des hommes.

La souffrance est liée à la question du Mal : manques, limitations, altération du Bien, privation de la santé, etc…
Pourquoi la souffrance ? Quelle est la cause de la souffrance ? Pour quoi la souffrance ? Quel but ? Quel sens ? Autant de questions posées à Dieu !

Mais il nous faut aller plus loin : c’est l’Amour divin qui est la source ultime, qui donne son sens à la souffrance. La croix de Jésus-Christ est la vraie réponse.

Avec Jésus-Christ, la souffrance est vaincue par l’Amour

Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. « je ne prends point plaisir à la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur l’Éternel; convertissez-vous et vivez! » (Ez 18,32).

Par sa croix et sa résurrection, Jésus-Christ est victorieux du péché et de la mort ; il triomphe du péché par son obéissance jusqu’à la mort.

Il efface de l’histoire humaine la domination du péché (qui s’est enraciné sous l’influence du Malin dès le péché originel) et il donne à l’homme de vivre sous le régime de la grâce sanctifiante.

Grâce à la Rédemption que Job entrevoyait (Job 19, 25-26), la mort perd son pouvoir et la porte de la Résurrection des corps s’ouvre à tout croyant.

Cette victoire de Jésus Christ ne supprime pas les souffrances de la vie terrestre mais jette une lumière nouvelle de l’Evangile –celle du salut- sur toute souffrance.

Jésus Christ s’est fait proche de la souffrance humaine : « Il est passé en faisant le bien (Ac 10,38) et il a pris sur lui toute cette souffrance sur le bois de la croix (1P 2,24). C’était nos souffrances qu’il portait, « nos maladies dont il était chargé, nos plaies qu’il portait » (Is 53,4) alors que nous, nous l’estimions frappé, humilié par Dieu. Il va donc sereinement au-devant des souffrances de sa Passion, réprimandant st Pierre qui veut le défendre par les armes.

L’Innocent souffre volontairement.

Le « langage de la croix » (1Co 1,18) est la réponse la plus complète à la question de la souffrance.

Sa prière pour la vérité de l’amour par la vérité de la souffrance  à Gethsémani est la souffrance acceptée librement ; au Golgotha « celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a, pour nous, identifié au péché (2Co 5,21) car le péché, c’est tourner le dos à Dieu ; le rejet du Père, la séparation, la rupture avec Dieu est la grande souffrance.

« La souffrance humaine a atteint son sommet dans la Passion du Christ » « La souffrance liée à l’Amour par lequel Dieu tire lui-même un bien du mal (Rom 8,28). La croix est la source d’où coulent des fleuves d’eau vive (Jn 7,37)

La participation aux souffrances de Jésus Christ

St Paul : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qu’est l’Eglise » (Col 1,24)

Sur la croix du Christ, la Rédemption s’est accomplie par la souffrance et la souffrance humaine s’est elle-même rachetée.

Le Rédempteur a pris la place de l’homme et pour l’homme. Tout homme participe à la Rédemption, d’une manière ou d’une autre. Chacun est appelé à participer à la souffrance par laquelle la Rédemption s’est accomplie, par laquelle toute souffrance humaine a été rachetée.

Chacun peut, dans sa souffrance, participer à la souffrance rédemptrice du Christ ; par sa croix, il a élevé la souffrance humaine jusqu’à lui donner valeur de Rédemption.

Les souffrances du Christ abondent pour nous ; de même par Jésus Chris abonde notre consolation ((2Co 1,5) D’où l’exhortation à offrir nos personnes en hosties vivantes (Rom 12,1)

C’est donc la croix qui éclaire la souffrance par la participation à la Passion et à la Résurrection du Christ. Cf. le chant « Si nous souffrons avec lui, avec lui nous règnerons » (2Tm 2,11)
Le connaitre avec la puissance de sa Résurrection et la communion à ses souffrances » est le chemin pascal (Ph 3,10-11)

Les souffrances présentes ne sont pas à comparer avec la gloire qui doit se révéler en nous (2Co 4,17-18 et 1P 4,13)

Dans la faiblesse, Jésus Christ a manifesté sa puissance ; dans l’humiliation, il a manifesté sa grandeur messianique. « Je me vanterai de ma faiblesse afin que repose sur moi la puissance du Christ » (2Co 12,9) ; « je peux tout en celui qui me rend fort » (Ph 4,13). Les faiblesses de toutes les souffrances humaines peuvent être pénétrées de la puissance de Dieu.

L’Evangile de la souffrance

Ecrit par Jésus Christ… et Marie, la première a avoir complété dans sa chair… (Notre-Dame des 7 douleurs). Cf. la prophétie du vieux Siméon (Lc 2,35), puis la fuite en Egypte pour finir par la Croix.

La souffrance dans l’Evangile :

  • Les conditions pour suivre Jésus Christ : prendre sa croix (Lc 9,23) :
  • La voie étroite (Mt 7, 13-14)
  • Les persécutions annoncées (Lc 21, 12-19) à cause du Christ ( Jn 15, 18-21)

« Vous aurez à souffrir, mais gardez courage car j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33) En effet, la Résurrection manifeste la face victorieuse de la souffrance.

Au cours de l’histoire, on constate que dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche l’homme du Christ. Cette grâce spéciale a provoqué la conversion de nombreux saints : St François d’Assise, Ignace de Loyola… Dans la souffrance, ils sont devenus des hommes nouveaux. Apparait une nouvelle dimension de toute la vie et de leur vocation personnelle. Le corps est affaibli, mais une maturité spirituelle grandit. La conversion est accompagnée d’une collaboration à l’action de la grâce. A ses frères souffrants, Jésus Christ entrouvre les horizons du Royaume. La souffrance est transformée par une grâce intérieure qui vient de l’Esprit Consolateur.

Jésus Christ veut pénétrer dans l’âme de toute personne qui souffre par le cœur de sa Mère entraînant une maturité spirituelle à l’égard de tous les hommes.
Notre première réaction : protester contre la souffrance, interroger Jésus Christ qui souffre et répond depuis sa croix. Il faut beaucoup de temps pour percevoir intérieurement sa réponse : au fur et à mesure qu’on devient participant des souffrances du Christ.

Jésus Christ n’explique pas la souffrance ; il dit « Suis moi, vis, prends ta part de souffrance » jusqu’à pouvoir dire «  Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure » (Col 1,24) pour vous ; en effet, la souffrance n’est pas inutile car elle est utile au salut du prochain ! Elle est la source de bienfaits indispensables au salut du monde ; elle ouvre le chemin à la grâce qui transforme les âmes. (cf. les coopérateurs souffrants de Mère Teresa)

S’offrir c’est souffrir, selon Marthe Robin

« Que le Bon Dieu qui est si bon me donne de souffrir en proportion de ce que je l’aime et ce qu’Il m’aime »

« Toute existence et un calvaire et toute âme est Gethsémani et chacun doit boire en silence le calice de sa propre vie. Toute vie chrétienne est une messe et toute âme en ce monde est une hostie »