Au centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme), une douzaine de détenus s’initient depuis un an au « rugby touché », une parenthèse sportive au service de leur réinsertion.
Dans le gymnase flambant neuf de cette prison nouvelle génération inaugurée en janvier 2016, les détenus boivent les paroles de leur entraîneur d’un jour: l’emblématique numéro 9 de l’ASM Clermont Auvergne, Morgan Parra.
Ballon ovale en main et dossard rouge, l’international français prodigue conseils et instructions « sur les règles du hors-jeu ».
« Comme à l’école, il faut maintenir l’attention, s’adapter. S’ils commencent à regarder ailleurs, c’est foutu », explique le demi de mêlée qui entraîne les jeunes des quartiers et des clubs amateurs de la région auvergnate depuis plusieurs saisons.
« J’adore ça. Quand je vois ces mecs, des maçons qui enfilent le maillot le soir après une journée de boulot, je suis admiratif. Cela me rappelle à quel point je suis un privilégié de pouvoir vivre de ma passion », sourit celui qui prépare des diplômes d’entraîneur pour quand sonnera l’heure de la reconversion.
Alors quand on lui a proposé de venir rencontrer des détenus, il a tout de suite dit oui. L’occasion pour lui d’apporter dans ces murs des « valeurs » propres à son sport.
« Au rugby, on prend des contacts, on se plaque avec des mecs avec qui on n’est pas forcément amis mais tant que cela reste dans le jeu, ça passe. La base, c’est le respect du mec en face, de tes coéquipiers et de l’arbitre. Le maton ici, c’est la même chose », souligne le meneur de jeu.
– Cohésion et saine fatigue –
Pourtant, en prison, voir ces rugbymen amateurs s’aider à se relever ou se congratuler en se tapant dans la main ou le dos, n’allait pas forcément de soi.
« Au début, ils se sont rentrés dedans direct. J’avais peur qu’ils ne s’+emplâtrent+ », se souvient l’éducateur sportif de l’ASM Xavier July, qui a préféré opter pour une version sans placage de ce sport.
Mais au-delà des simples règles de ce sport, ses enseignements peuvent constituer autant de leçons de vie. Marquer beaucoup d’essais ? Un impact positif sur l’estime de soi. L’arbitrage ? L’apprentissage de la vie en société.
« Il ne faut pas se mentir. Ils vont tous sortir un jour. Le rugby me permet de travailler avec eux sur des comportements importants en vue d’une réinsertion, de faire en sorte qu’ils ne sentent pas totalement exclus de la société. Ils s’aperçoivent que lorsqu’on respecte les règles, ça marche, alors si ça peut faire boule de neige à leur sortie, tant mieux », espère le professionnel.
Pour le surveillant Philippe, le sport est aussi « une bonne fatigue » qui « casse la monotonie et rythme la détention » pour ces détenus âgés de 18 à 60 ans soigneusement sélectionnés pour créer une « osmose » de groupe.
Seulement deux d’entre eux avaient déjà touché un ballon ovale, préférant pour beaucoup le football, sport roi en milieu carcéral.
« Le plus dur, c’est d’éviter les en-avant, faire attention au placement », raconte Jimmy, détenu de 28 ans. Ce sport, qu’il ne connaissait qu’à travers les Bleus « à la télé », est devenu pour lui « une bouffée d’oxygène », au point « d’oublier les barbelés sur le terrain ».
« Ca apprend à ne rien lâcher, à avoir une cohésion de groupe. Tout le monde est sur un pied d’égalité » reconnaissent aussi Max et Nicolas, 32 ans et 40 ans.
Car, en détention, les relations sont le plus souvent « hiérarchiques », basées sur des « liens d’intérêt ». « Là, il faut se sacrifier pour les autres. Il n’y a plus de clans, pas de plus fort. On ne se juge pas », abonde Jimmy.
C’est aussi un moyen d’obtenir des remises de peines, et pourquoi pas transformer l’essai une fois hors les murs.
À partir du 17 décembre, neuf détenus présentant un casier adéquat bénéficieront d’une formation d’éducateur aux sports collectifs pouvant les aider à bénéficier à leur sortie « du réseau d’entraide des clubs sportifs », afin de trouver « emploi, amis, et logement », détaille Xavier July.
Source: AFP le 12-12-2018