Lucien Didier, condamné en 1921 à la peine de mort après le braquage meurtrier d’une bijouterie, a eu sa peine commuée en travaux forcés en Guyane par la grâce du Président de la République. Il remet alors au père Rambaud, aumônier de la prison de Bourg, une prière pour qu’il la lise.
A Notre-Seigneur Jésus-Christ !
O mon Seigneur, je vous remercie et je vous suis reconnaissant de m’avoir fait entrevoir un rayon de votre bonté, de votre miséricorde, de la noblesse et de la perfection de votre enseignement. Car j’étais perdu dans les dédales de cette vie, dans l’iniquité. Je vous demande, ô mon Dieu, de bien vouloir laisser ce rayon de lumière pour me guider. Je veux tâcher d’expier mes péchés dans cette vie et réparer dans la mesure de mes moyens le tort que j’ai causé.
Mon Seigneur Jésus, je vous demande la grâce de vouloir bien me donner à expier dans cette vie tous mes péchés et ceux des personnes qui vous ont offensé parce que je les y ai moi-même portées.
Mon Dieu, qui voyez mon cœur, mes plus intimes pensées, vous savez bien que je ne hais personne, mais je n’aime pas la société. Je prends la résolution d’aimer, avec votre aide, tout le monde, de tout supporter sans me plaindre, pour l’amour de vous, et de tâcher d’imiter la vie sainte que vous avez menée sur cette terre.
Faites-moi la grâce que toutes mes actions et toutes mes pensées soient pour vous glorifier. Je veux m’efforcer de vous gagner des âmes, afin que vous soyez mieux adoré et mieux aimé.
Mon Dieu, je vous laisse le soin de récompenser votre disciple de tout ce qu’il a fait pour moi. Soutenez-le dans ce qu’il entreprend et faites qu’il gagne beaucoup d’âmes.
Mon Dieu, je suis un misérable pécheur. Mais écoutez mes prières et récompensez vos fidèles serviteurs. Je suis insolvable en ce moment pour tout ce que je vous demande, mais, mon Dieu, vous pouvez me conserver et me faire vire assez longtemps pour que je puisse m’acquitter de tout ce que vous m’avancer, de toutes mes fautes passées, pour que je puisse vous glorifier après avoir donné satisfaction à votre justice divine. Si, dans le cours de ma vie, je faiblissais, envoyez-moi une grâce pour me donner le courage d’embrasser toutes les épreuves que vous jugerez nécessaires. Mon Dieu, je vous demanderai la grâce de ne pas m’épargner dans les souffrances de cette vie. Je remts entre vos mains le jugement de mes actions, car je sais que vous êtes impartial et que vous ne pouvez pas vous tromper. Vous connaissez tout, des effets aux causes.
En ce moment, mon Dieu, Je ne puis que prier et penser à vous, je ne peux que prier pour mon prochain. Je voudrais être en contact avec lui pour unir mes actions à mes pensées. Mais vous avez jugé bon de me laisser encore enfermé. Je m’incline, car cela me donne de la réflexion, et tous les jours je vous connais davantage, je prends du courage pour l’avenir.
Mon doux Jésus, apprenez-moi à connaître votre voix dans mon cœur, à savoir bien accomplir votre volonté, à être fort contre les tentations et à savoir éviter le mal : sans votre aide je ne peux rien.
Mon Dieu, je vous demande votre bénédiction et faites-moi persévérer dans mes résolutions.
Ainsi soit-il !
Transféré à la prison centrale de Poissy, puis à celle de St Martin de Ré, Lucien Didier arrivera au bagne de St Laurent du Maroni en janvier 1922. Après une tentative d’évasion, il sera transféré plusieurs mois au bagne des Iles du Salut avant de revenir à St Laurent. Paralysé par la tuberculose, il y meurt à l’hôpital le 4 août 1928.