Nous avons fait appel à vous correspondants,  pour nous faire remonter des témoignages de votre expérience. Vous avez répondu nombreux: Merci.

Ce sont certains de ces témoignages que nous désirons vous faire partager maintenant.

Nous les avons classés par petits chapitres,  selon leur message.

Pour commencer voici quelques réactions d’émotion et de surprise à la réception de la 1ère lettre.

Je viens de recevoir la 1ère lettre de  mon  détenu et ce fut un grand moment d’émotion ! Je vais continuer de lui écrire toutes les semaines. Que de tristesse, de solitude ! Je me moque bien de savoir ce qu’il a fait. Il m’a dit qu’il regardait la messe à la télévision tous les dimanches sur France 2- je vais dorénavant en faire  de même, en pensant à lui.

Un nouveau correspondant

Chère Anne, j’ai bien reçu votre lettre et vous ne pouvez pas savoir le bien qu’elle m’a fait. Enfin je ne suis plus seul, plus abandonné; quelqu’un pense à moi , je sais que quelqu’un derrière ces murs sait que j’existe. Moi aussi je souhaite que le lien que nous venons de créer soit solide et durable et je persévérerai de tout mon coeur

Raymond

Après ces 1ères lettres très émouvantes, se poursuit un échange + ou – régulier. Si des liens se créent de part et d’autre, les témoignages sont éloquents et évoquent un soutien amical et moral:

Au fil du temps, notre correspondance est devenue de plus en plus intime, un peu comme s’il était mon fils, lui me confiant ses problèmes ou ses joies et moi mes préoccupations ou mes occupations. Nous sommes maintenant très amis car cela fait plus de 13 ans que nous correspondons et je le vois se transformer de jour en jour.

Je trouve que cet échange de correspondance nous a enrichi l’un et l’autre.

Monique

Michel me dit que c’est la 1ère fois qu’en dehors de ses parents qui le visitent une fois par mois, quelqu’un s’intéresse à lui depuis 15 ans qu’il est incarcéré. Dans chaque lettre, les mêmes mots reviennent:

 Merci- merci et surtout; ne me laissez pas tomber.

Pour moi cette correspondance a été un 1er contact avec le monde carcéral dont j’ignorais tout: j’ai découvert l’immense souffrance morale de ces gens, coupables bien sûr, mais pour certain, sans horizon à leur sortie

Michel

 

Témoignages de détenus

Heureusement que j’ai du courrier. Le courrier fait du bien. Lorsqu’on est à l’extérieur on n’attache pas d’importance à écrire, on a le téléphone ou mieux encore on rencontre les gens. C’est seulement lorsqu’on est dans des situations comme la mienne que l’on s’aperçoit que le courrier est important. Il y a des jours où, au réveil, je ne me sens pas bien je n’ai pas le moral: si j’ai du courrier à midi, je me sens mieux, ça me remonte le moral.

Serge

Le courrier peut encore toucher plus profondément le coeur du détenu si dans ces échanges il trouve la grâce de l’Amour de Dieu et la révélation de son pardon, dans la prière.

Je n’ai pas arrêté mes prières,elles sont pour moi synonymes de refuge, de calme de sérénité, de réflexion. Un de mes compagnons de cellule possède une bible: il m’assure  et j’en suis certain, que toute force, toute volonté, toute vérité et toute sagesse résident en ce livre. Je me suis mis à le lire. Je puis témoigner que c’est vrai. Il m’a ouvert tant d’horizons. Mon corps est enfermé, pas mon esprit.

Jean-Marc à Louise

Daniel a réuni 3 de ses amis pour prier, la porte de la cellule ouverte. Un surveillant passe et leur demande : que faites-vous?  -Nous prions, le directeur est au courant. Voici que cet homme leur demande : je peux m’unir à vous?  Tous les jours d’astreinte, il leur était présent.

La prison peut être un temps de prise de conscience douloureuse mais aussi un temps de grâce pour le détenu qui aura ainsi l’occasion de l’exprimer en toute confiance dans sa correspondance.

J’accepte cette épreuve qui m’a fait découvrir l’amour de Dieu, mais Catherine je ne veux pas te  mentir : je ne peux pas prier pour celui qui m’a balancé. Je sais que Dieu n’est qu’amour , je peux comprendre la misère des êtres, aider mon prochain, mais pardonner à quelqu’un qui m’a pratiquement mis en prison, prier pour lui, c’est trop dur pour moi, Catherine. Peut-être que Dieu me demande trop .Je n’ai pas encore assez de force dans la foi pour comprendre vraiment la parole de Dieu. 

Francis écrit à Catherine


En ce qui concerne les personnes qui m’ont fait du mal, je n’ai plus du tout l’esprit de vengeance ni de haine, rien que le remord d’avoir été amené à les connaître. Le plus dur reste à faire: à leur pardonner. Je n’arrive pas à prier pour elles sans me forcer, mais d’ici quelques temps je sais que je réussirai à le faire avec ma conscience et mon propre désir et là vraiment je saurais vraiment que je suis  victorieux sur moi-même. Aujourd’hui, il m’arrive d’avoir de vraies larmes de repentir, de pleurer dans ce sens sans retenue. Tout cela vient lorsque je m’aperçois combien de temps j’ai totalement appartenu aux forces du mal…voir que tout cela vient de moi, se regarder tel que l’on est, tel que l’on a été, cela fait mal.

Serge

Bien que malheureux, certains détenus éprouvent une vraie joie à pouvoir aider un autre en difficulté.

 Aujourd’hui, je vois déjà plus clair grâce à toute cette chaine de solidarité que je me suis créée volontairement. Il m’arrive même de faire du bien aux autres et c’est ce qui devient encore plus intéressant car je me sens utile.

Marc

En ce moment, j’écris souvent à une amie de l’extérieur qui a des problèmes affectifs, elle ne va pas bien et je veux qu’elle sache qu’elle peut compter sur moi. Vous voyez, même en étant ici, j’arrive à aider des personnes de l’extérieur.!!!

Frédéric à Bernadette

 

  

La correspondance peut prendre divers aspects selon que le détenu a des réactions inattendues ou déconcertantes. Il ne faut pas trop idéaliser ces échanges, parfois si riches mais quelquefois d’une pauvreté affligeante. Mais c’est dans ces cas là qu’il faut être patient et persévérant. Pensons bien que cette correspondance n’est pas faite pour notre propre satisfaction: elle est toujours une grande aide même si le détenu ne sait pas l’exprimer.

De Patrice à sa correspondante âgée

Ma grand-mère, aujourd’hui je reçois votre lettre où vous me parlez de votre petite famille, c’est bien d’être unis comme ça avec notre Seigneur…. Moi, je n’ai pas parlé à mon frère et à ma copine que je prie et que je commence à croire plus fort en Dieu: ils me traiteraient de cinglé et ils ne comprendraient pas comment un gars qui faisait la fête tous les jours , qui se battait souvent et qui n’aimait pas tellement son prochain puisse changer, ou alors, ils me croiraient fou..

Quelquefois, l’échange  de courrier est très pauvre :

Depuis 3 ans que je suis en relation avec Jacky, il recopie pratiquement mot à mot la même lettre. Toujours le même contenu d’une quinzaine de  lignes dans lesquelles  il crie sa souffrance de ne pas avoir de nouvelles de ses 4 filles. Comme il me dit attendre mes lettres avec impatience, je continue à écrire….

Marie

Témoignage de Sandra

Sandra correspond avec Christophe. Ce garçon de 26 ans n’est pas baptisé, n’a reçu aucune instruction religieuse.

Un jour que C. était très triste, rabâchant sans cesse ce qui s’était passé dans sa petite enfance, je voulais tellement lui faire comprendre qu’il ne faut pas sans cesse ruminer le passé mais vivre dans le présent, j’ai eu l’idée de lui adresser cette prière. Je pense que j’ai été inspiré par l’Esprit saint. Je ne voulais pas faire du prosélytisme mais démunie, j’ai tenté cette prière :

Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne, il est à toi,

Vis-le en Lui.

Le jour de demain est à Dieu,il ne t’appartient pas.

Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui.

Demain est à Dieu: remets-le Lui.

Le moment présent est une frêle passerelle:

si tu le charges de regrets d’hier, de l’inquiétude de demain,

la passerelle cède et tu perds pied.

Le passé? Dieu le pardonne

L’avenir? Dieu le donne.

Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec Lui;

et s’il y a lieu de t’inquiéter pour un être aimé

regarde-le dans la Lumière du Christ ressuscité.

 

Prière trouvée sur une petite Soeur du Sacré-Coeur, tuée en Algérie

Il me répond :  Merci pour votre prière que vous m’avez envoyée, quand je la lis ça me touche beaucoup parce que c’est la vérité et ça me donne envie d’apprendre un peu plus sur Dieu. Pouvez-vous me dire à quel moment faut réciter cette prière ?…………….

Votre lettre m’a fait beaucoup réfléchir et j’ai envie de vous écouter car vous m’aidez, j’ai envie de m’en sortir pour grandir et je suis prêt à faire des efforts de mon côté…..

Votre lettre m’apporte beaucoup de réconfort, je ressens que vous voulez m’aider.        

Témoignage d’un moine bénédictin : Le prisonnier et le moine

Enfin le détenu voit arriver le moment de sa sortie avec soulagement mais aussi avec des grands points d’interrogation sur son avenir et même une certaine angoisse.

C’est la plupart du temps la fin des échanges de courrier. Mais quelques détenus désirent poursuivre un temps la correspondance surtout si les liens sont très forts.