L’exposition collective du 22 novembre au 1er décembre à la Mie de pain, Paris 13ème, rassemble des œuvres d’une quarantaine de détenus auxquels l’art permet de reprendre confiance.

Pour certains ce fut une découverte, pour d’autres la chance d’entretenir un jardin secret, quand bien même il pousserait derrière les hauts murs d’une prison, envers et contre toute la « mauvaise graine » et les erreurs passées. « L’art c’est primordial pour se reconstruire, reprendre confiance en soi et montrer à ses proches, montrer aux autres dehors, que l’on peut aussi produire quelque chose de positif », estime Stéphane, 49 ans, poète et graveur, slameur et illustrateur, à qui « Talents caché » a un jour offert un coup de projecteur. Ce vendredi donc, ils seront une quarantaine, hommes et femmes incarcérés en région parisienne, le plus souvent pour de longues peines, dont les œuvres seront exposées pour une semaine à l’association la Mie de Pain.

Des œuvres en vente

Créé il y a 24 ans avec l’association Philia, engagée notamment dans la réinsertion des détenus par l’art, et la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris (DSIP), « Talents cachés » offre depuis autant d’années un podium hors les murs, une fois par an, à des détenus artistes et à leurs œuvres. Certaines d’entre elles seront mises en vente, « l’argent revient alors pour un tiers au pécule du détenu, un tiers à sa cantine, un tiers à l’indemnisation des victimes », précise François Charron, responsable de Talents Cachés et chef d’orchestre de cette exposition.

Prendre en compte le talent mais aussi l’histoire des détenus

Pour monter cette nouvelle galerie éphémère d’environ 150 dessins, gravures et peintures de toutes techniques, tous formats et surtout toutes inspirations, les bénévoles de Talents cachés ont sillonné les ateliers d’arts plastiques mis en place dans certains établissements pénitentiaires. Chasseurs de talents, ils les ont sélectionnés avec une rigueur et des yeux d’amateurs d’art mais aussi d’humanistes, à la rencontre d’hommes et de femmes pour qui « la démarche de création est aussi un moyen de retrouver une dignité », ainsi qu’explique François Charron, le chef d’orchestre de cette exposition collective. « On essaie de prendre en compte l’histoire de ces gens et de leur œuvre, souligne-il. Nous les avons tous rencontrés pour la sélection, et tous questionnés sur leur inspiration. C’est important qu’ils puissent parler de leur propre création ».

L’art pour se reconstruire

Ce fut même essentiel pour Stéphane, 49 ans, dont une gravure avait été exposée l’an dernier. Cette année ce sera sans lui, et c’est tant mieux. Stéphane est libre, il a tourné la page de ses près de 5 ans derrière les barreaux de plusieurs maisons d’arrêt et centres de détention franciliens. Pour autant il n’oublie pas le chemin parcouru, ni cette façon dont l’art l’a « empêché de sombrer ». « Quand vous arrivez en prison, au début vous êtes coupé de tout, souligne Stéphane. Il faut vous accrocher à quelque chose. Pour certains c’est la télé, d’autres le sport, d’autres le cannabis… Moi j’étais plutôt un littéraire, j’écrivais un peu, je me suis inscrit à tous les ateliers possibles, ce n’était pas évident d’avoir une place dans un atelier de 10 personnes pour 900 détenus ». En prison, Stéphane s’est mis au dessin, a pu goûter au théâtre, participer à la création d’une bande dessinée, malgré les aléas d’activités aux budgets peau de chagrin, qui « manquaient de tout, de feuilles, de peintures, de matériel… » « L’art m’a aidé à me reconstruire, répète-t-il. Devant une feuille blanche, on est face à soi-même, dans le dessin j’exprimais ce que j’avais au fond de moi ». Chez Stéphane c’était « plutôt sombre et vindicatif », admet-il, mais « Quand j’étais détenu, l’art était un peu comme d’être dehors. Cela m’a redonné confiance mais cela a aussi redonné confiance à ma famille proche. Avec Talents cachés je me suis senti reconnu ».

Vernissage vendredi 22 novembre 16, rue Charles Fourier,
exposition tous les jours de 11 heures à 18 heures jusqu’au 1er décembre 2019.