Détenue et surveillante sur la coursive.

Détenue et surveillante sur la coursive.

Opération << Un livre pour la prison ››: le Barreau a fait don le 6 juin d’un millier d’ouvrages à la maison d’arrêt de Nice.
Lire, la petite évasion. Lire pour en sortir…

Des sacs débordant de livres s’entassent sur le sol de la salle de cours du quartier « femmes ». C’est une petite pièce. Il y a des équations au tableau. Des rayonnages de bouquins serrés, étiquetés, classés, une table qui mange presque tout l’espace et trois fenêtres qui font de la lumière. Brigitte Joly, enseignante à la maison d’arrêt de Nice depuis 10 ans, n’a pas encore trouvé le temps de ranger les livres. Paulo Coelho, L’Histoire d’Anne Franck, San Antonio, des romans d’amour… Tomes en taule.

Près d’un millier d’ouvrages ont été offert par le Barreau de Nice. L’opération « Un Livre pour la prison » est organisée depuis quatre ans par Me Sylvain Pont. « L’année dernière, raconte l’avocat, on a distribué les livres dans le quartier hommes et les femmes ont demandé : « Et nous alors ? ».

La Bible, le livre le plus demandé

Cette année, pour la première fois, les bouquins iront en grande partie aux femmes. Même si les bibliothèques des quartiers arrivants, hommes et disciplinaire, ne seront pas oubliées.

Me Sylvain Pont sort de ses cartons le dernier livre de Me Dupont-Morettl, un pavé intitulé Présumé innocent ou Le Guide des infractions qui « a toujours un grand succès ». Il a choisi aussi « des ouvrages écrits par des personnes qui étaient dans l’épreuve et qui, dans une logique de dépassement de soi, ont pu s’en sortir: C’est important, estime l’avocat, de rappeler qu’au-delà de nos erreurs, il n’est jamais trop tard pour réveiller le meilleur de nous-mêmes ». Il amène aussi des histoires fleur bleue, des histoires sulfureuses, romans d`amour et « 50 nuances de Grey ».

« Et des Bibles ? », interroge Brigitte Joly. « Une vingtaine ! ». « Tant mieux. Car c’est le livre le plus demandé et le plus volé ! »

En prison, « la lecture est une petite évasion, explique Vincent Ravoisier, le directeur de la détention. « Ça encourage l’ouverture d’esprit, la culture. Il y a des détenus qui ne lisaient pas à l’extérieur, qui empruntent un premier livre ici et se découvrent un vrai goût pour la lecture ».

La bibliothèque du quartier femmes est « presque en accès libre ». dit Brigitte Joly. « Une détenue bénévole est responsable du lieu, elle conseille chacune selon son niveau, ses goûts. Elles parlent des livres qu’elles ont lus, qu’elles vont lire.  Un échange se crée ».

Dans une maison d’arrêt pleine à craquer – 70 femmes pour 39 places – lire, c`est s`isoler un peu, oublier les cris, le bruit métallique des barreaux qu’on tape, la radio, la télé qui traverse les murs, les têtes. Lire, c’est oublier qu`on est quatre, cinq, par cellule. Se retrouver. Soi.

« Ça passe le temps »

« Ça passe le temps », résume cette détenue. Elle vient des pays de l’Est. Il lui reste deux mois à tirer. Et elle lit, elle lit, elle lit… Elle lit « pour apprendre le français, pour se perfectionner » pour préparer sa sortie. Elle lit dans sa cellule « mais parfois, c ‘est difficile de se concentrer à cause des autres », alors elle grappille des moments lecture « dans la cour ».

Le lieutenant Xavier Paul, l’officier en charge du quartier femmes et du pôle «Atelier-Travail-Formation » laisse faire, laisse lire : « La lecture apaise. Il y a de la violence ici mais elle est contenue notamment par la lecture. Les livres apportent calme et sérénité, les femmes retrouvent un peu d’équilibre ».

« Lire pour en sortir»

« La lecture est une soupape », ajoute Vincent Ravoisier. « Une ouverture sur le monde » complète Francis Bonnet, conseiller d’insertion et de probation.

Et une porte de sortie.

«La culture est, comme le sport et le maintien familial, un axe fort de la réinsertion, insiste Michelle Bruyère, directrice du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). D`ailleurs, « un  programme national – « Lire pour en sortir» – vient de démarrer: les détenus volontaires choisissent un livre dans une liste d’ouvrages, le lisent, font une liche de lecture, discutent avec les visiteurs de prison. Ils obtiennent un diplôme. Il est même prévu des remises de peine pour les plus assidus ».

Par Laure Bruyas de Nice Matin