En Pays de la Loire, dans le cadre de l’association CHRS l’Etape, des familles bénévoles accueillent chez elles des détenus pour de courts séjours en vue de les préparer à leur sortie définitive de prison. Un dispositif unique en France.
Reportage en avril 2017
Après avoir vidé une brouette de bûches, Jérémy* lance un feu de cheminée et se réchauffe face au bois crépitant. A Saint-Mars-du-Désert (Loire-Atlantique), dans la maison d’Edwige, le jeune homme de 26 ans, cheveux bruns et frisés, barbe courte, commence à se détendre. Quelques heures plus tôt, en ce matin glacial de janvier, il poussait la porte métallique du centre de détention de Nantes, à 25 kilomètres de là. Myriam, son éducatrice, l’attendait à la sortie, pour sa permission. Originaire de La Réunion, le détenu a très peu de proches en métropole. Il a donc demandé à son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP), en charge de son suivi, s’il pouvait entrer dans le dispositif d’accueil chez des particuliers proposé par l’association L’Etape. Lancé il y a vingt ans, ce programme a permis à plus de 200 prisonniers de préparer leur sortie en passant de deux à quinze jours dans des familles (une vingtaine en tout). Condamné en 2011 à six ans de prison, Jérémy aura purgé sa peine à la fin de l’année. Après plusieurs rencontres avec des éducateurs, qui voulaient s’assurer qu’il n’était pas dans le déni de ses actes passés et discuter de ses projets – Jérémy, une fois libéré, souhaiterait travailler dans la maçonnerie –, sa demande a été validée. Comme pour chaque séjour, Myriam, dans un premier temps, l’a emmené déjeuner chez Edwige, 67 ans. C’est à ce moment-là qu’a été signé le contrat entre l’association, le détenu et la famille, dans lequel sont établis les objectifs de la permission. Aujourd’hui, voici le jeune homme de retour chez son hôte, où il va rester trois jours. « Ça m’a fait bizarre d’arriver chez quelqu’un que je ne connaissais pas. Maintenant, je suis plus à l’aise, se réjouit-il. Les gens comme Edwige nous montrent qu’on n’est pas complètement des oubliés de la société, qu’on est toujours vivants. »
L’association est joignable 24 heures sur 24
Depuis qu’elle participe au dispositif, la sexagénaire a hébergé 39 détenus. Elle continue de correspondre avec certains, par lettre ou par téléphone. Et l’un d’eux lui rend même visite une semaine par an. Un problème s’est posé une seule fois: un prisonnier n’était pas rentré dormir et L’Etape avait dû prévenir la gendarmerie. « L’association offre une sécurité, qui permet ce don de moments partagés, souligne le CPIP Bruno Fritel, du syndicat CGT 44 Insertion Probation. Les détenus voient qu’il y a des gens prêts à leur pardonner, et qu’il est possible de se reconstruire à l’extérieur de la prison.» « J’ai envie d’improviser, de respirer l’air et d’évacuer tous ces barreaux de ma tête », lance Jérémy, avec son accent créole. Myriam prend note, avant de donner au jeune homme un reçu pour la somme dont il doit s’acquitter: 1,50 euro par nuit, une participation symbolique. Un éducateur reviendra le chercher . au terme des trois jours de permission, puis dressera un bilan avec l’hôte et le détenu. Une fois Myriam partie, Edwige et Jérémy fument une cigarette en discutant cuisine réunionnaise, avant d’aller dénicher un manteau pour le jeune homme, frigorifié sous son fin pull bleu. Lors du premier séjour, le motif de l’incarcération est abordé. « Je ne juge pas, je peux tout entendre, insiste Edwige, qui a commencé l’accueil en 2000 avec son mari, décédé depuis. Ça peut être glauque quand on nous raconte des histoires de meurtre, mais je n’ai pas peur. Je fais confiance à L’Etape, qu’on peut joindre 24 heures sur 24. Si venir ici peut aider des personnes à reprendre le bon chemin, c’est le minimum que je puisse faire. » Et comment réagit l’entourage ? « Les enfants des “accueillants” ne sont pas toujours d’accord avec la démarche, observe Myriam. Certains voisins prennent les familles pour des fous. Notamment quand elles logent des personnes ayant des interdictions de contact avec les mineurs. Mais elles agissent avec cette volonté de donner aux détenus une deuxième chance. »
Source : Enquête de « Le Parisien » du 14-4-2017
L’association l’Etape
L’Association l’ÉTAPE a été créée le 16 juin 1958, par un groupe de bénévoles visiteurs de prison, soucieux de la réinsertion des anciens détenus.
Le premier établissement géré par l’association était un centre d’hébergement spécialisé dans l’accueil d’hommes libérés de prison dans le quartier de la Pilotière à Nantes.
Au fil des années et des évolutions de la règlementation, l’association a géré deux établissements autonomes: un spécialisé dans l’accueil de personnes seules avec ou sans enfant et un autre spécialisé dans l’accueil de couples et de familles (dès 1976). En 1976 et ensuite en 1980, ces deux établissements ont changé leur mode d’hébergement. D’un hébergement collectif, les deux établissements sont passés à un hébergement individuel dispersé dans l’agglomération nantaise: une famille, un logement. Après 1990, l’association et les pouvoirs publics ont mené conjointement une réflexion visant à fusionner ces deux établissements existants en un seul ; ce changement s’est opéré en 1997. A l’occasion de cette fusion, l’association a vu sa capacité d’accueil augmentée et ses missions diversifiées par la mise en place d’une capacité d’hébergement d’urgence pour des couples, des familles et des hommes seuls avec enfants. Parallèlement, l’association par le biais du CHRS, a mis sur pied une nouvelle forme d’accueil pour des personnes sous main de justice. A partir de janvier 1996, le CHRS met en place un réseau d’accueil en familles bénévoles pour des détenus permissionnaires ou en fin de peine. Ce dispositif sera avalisé par la CROSS en décembre 1998 et le financement au titre de l’aide sociale en matière d’hébergement interviendra en 2002.
Ses 4 activités :
- un accueil temporaire pour 5 couples ou familles et 4 personnes sortants de maison d’arrêt + nuitées d’hôtel
- un hébergement d’insertion : accueil en appartement (69 logements HLM du studio au F4 et 5 logements foyers jeunes travailleurs) dont une place d’accueil sécurisant
- un accueil en famille pour des personnes sous main de justice (15 familles actuellement)
- une mission de référent logement hébergement pour personnes détenues en Loire Atlantique
Capacité d’accueil
- 126 places adultes et enfants
- 4 places pour sortants de maison d’arrêt
- 1 place pour une personne Placée sous Surveillance Électronique Mobile (PSEM) par une décision de justice.
- 8 places en familles d’accueil
- 15 places accueil temporaire
Contact :
30 Rue Jacques Callot
44100 NANTES
Tél : 02.51.83.12.92