Merci, Seigneur, pour tous les bienfaits que Tu nous donnes sans compter lorsque nous faisons pèlerinage ! Alors que nous nous inquiétions de savoir comment héberger tous les pèlerins, nous avons découvert un gite d’étape municipal dans la forêt voisine. Plus de trente places disponibles ! Nous avons ainsi pu dormir à l’abri, à la fin d’un samedi qui n’a été que grâces.
Arrivés à la Trappe de Soligny, le père Robert nous a rappelé le conseil de St Benoit : « Si vous voulez être parfaits, combattez votre orgueil par l’humilité ». Nous étions alors totalement avec St François, qui n’a pas cherché à être prêtre et qui a rapidement laissé à d’autres la mission de gouverner sa congrégation.
Monastère de la Trappe de Soligny « L’humilité comme voie de libération intérieure »
Nous sommes tous heureux de rencontrer l’oncle du Père Patrick, notre guide spirituel, moine à Soligny depuis de nombreuses années, qui nous aide efficacement à rencontrer St François, en nous faisant réfléchir sur la première qualité à développer si nous voulons le découvrir vraiment : l’humilité !
Pour commencer essayons de définir l‘humilité. Ensuite, en nous appuyant sur un long chapitre de sa Règle, où St Benoît traite explicitement ce thème, nous verrons comment le patriarche des moines en arrive, lui aussi, à sa façon, à cette conclusion que, oui, en définitive, il est vrai de dire que l’humilité constitue une voie de libération intérieure, même si, en fait, cela requiert un long travail de l’âme et du corps.
Définition et fondement de l’humilité
On pourrait dire que «l’humilité est la vérité». Mais qu’est-ce que cela signifie au juste ? Et de quelle vérité s’agit-il ?
La vérité c’est que l’humilité est fondée sur une certitude qui s’impose, à savoir : le Tout de Dieu et le néant de la créature. Autrement dit : Dieu est le Grand Tout, et moi rien ! Ou presque rien devant Dieu…
L’humilité consiste donc à reconnaître, avec intelligence et en toute vérité, que Dieu a des droits sur nous et que nous, par contre, nous avons des devoirs envers Dieu.
Être humble c’est donc reconnaître nos relations de créatures vis-à-vis de notre Créateur ; nos relations entre nous, qui ne sommes rien par nous-mêmes, avec Celui qui, par essence, par nature, est l’être par excellence.
Le rôle de l’humilité
C’est une disposition fondamentale de notre âme, de notre esprit, qui va permettre à la grâce d’affluer. L’humilité est comme une atmosphère qui rend possible l’action directe de Dieu en nous.
Nous pouvons préciser 3 vérités fondamentales :
1. L’humilité rétablit l’ordre détruit par le péché.
En effet, la racine de tout mal est l’orgueil qui nous pousse, en quelque sorte, à prendre la place de Dieu (comme nos premiers parents : «Vous serez comme des dieux»). L’humilité, par contre, veut rendre sa première place à Dieu.
2. L’humilité rend possible l’action divine en chacun de nous.
Certes, la sanctification de l’homme est avant tout l’œuvre de Dieu, l’œuvre de l’Esprit-Saint, qui diffuse la charité et toutes les vertus. Mais cette œuvre de l’Esprit ne peut s’exercer qu’en celui qui ne fait pas obstacle volontairement à son action, qui combat son égoïsme, sa sensualité, qui ne se fie pas à ses propres forces et qui se confie à Dieu seul. Mais reconnaissons que de se dépouiller de son moi n’est pas une petite affaire. Nous en faisons tous l’expérience…
3. L’humilité est la mesure de notre progrès spirituel, d’une authentique sainteté de vie :
Plusieurs saints ont exprimé le rôle primordial de l’humilité dans la vie spirituelle.
St Basile (330-379) «Le progrès de l’âme, c’est le progrès dans l’humilité.»
St Jean Cassien (360-435) «L’humilité est la maîtresse de toutes les vertus : c’est le fondement le plus solide de l’édifice spirituel.»
St Augustin : « Toute la doctrine chrétienne nous enseigne à considérer l’humilité comme le moyen le plus sûr d’acquérir et de conserver la charité » (Et nous verrons que St Benoît ne dit pas autre chose…).
St Thomas d’Aquin (1226-1274) : «L’humilité rend l’homme docile et ouvert à la grâce.»
Le St Curé d’Ars (1786-1859) : «L’humilité est aux vertus ce que la chaîne est au chapelet : enlevez l’humilité, et toutes les vertus disparaissent.»
Ste Thérèse d’Avila : «Tant que nous sommes sur terre, rien ne nous est plus utile que l’humilité.»
La pensée de St Benoît
Sa conviction profonde est celle de tous les Saints : si vous voulez être parfaits, combattez votre orgueil par l’humilité.
Chercher Dieu, dit-il, consiste à découvrir toujours davantage et le Tout de Dieu, et notre « néant ».
Tout au long de sa Règle, St Benoît montre comment l’humilité doit intervenir dans la vie du moine. Par exemple, à propos des vertus recommandées à l’abbé, au prieur, aux prêtres, aux novices, au lecteur de table, à l’artisan, au chantre… Pour tous, et partout, pour St Benoît, l’humilité est la vertu nécessaire et fondamentale.
Mais c’est surtout au chapitre 7, que St Benoît expose sa méthode pour grandir dans l’humilité. Il y présente l’humilité comme une échelle double qu’il faut gravir. Cette échelle comporte symboliquement 12 degrés (plénitude), divisés en degrés intérieurs concernant l’âme ou l’esprit, et en degrés extérieurs concernant le corps. Ce n’est que lorsqu’on est parvenu en haut de l’échelle que l’on est parfaitement humble et rempli, alors, de l’amour de Dieu.
Prenons, au moins, l’énoncé de ces échelons intérieurs et extérieurs.
A Echelons intérieurs (un côté de l’échelle)
1. En pensant à Dieu, on se détache efficacement du péché…
2. On renonce à sa volonté propre et on s’abstient des mauvais désirs, spécialement des désirs de la chair –c’est le détachement affectif…
3. Le moine s’efforce d’obéir et de faire la volonté des représentants de Dieu…
4. Le moine doit obéir, même dans les choses dures et les contrariétés, supportant tout, sans se lasser ni reculer, avec patience etc. –et la grâce de Dieu…
5. Le moine ouvre son cœur à son abbé, lui confiant ses pensées mauvaises et ses fautes secrètes… (père spirituel, confesseur)
6. L’amour de son néant, de sa pauvreté, de sa petitesse devant Dieu.
7. L’amour de son néant devant ses frères : Le moine doit être content de tout abaissement. Il se réjouit d’être le dernier… d’être oublié…
B Echelons ou degrés extérieurs, concernant plutôt le corps (l’autre côté de l‘échelle)
8. L’amour de la règle commune du monastère, en évitant toute singularité… Faire, humblement et simplement, comme tout le monde… sans se faire remarquer…
9. L’amour du silence. Au chapitre 6ème de sa Règle St Benoît traite de « L’habitude de se taire » pour écouter Dieu…
10. L’amour du sérieux. Le moine ne doit pas passer son temps à plaisanter, à se dissiper et à dissiper les autres…
11. Une certaine modestie dans le langage. «Le Sage se reconnaît à son peu de paroles»…
12. La modestie dans le maintien. Sans être guindé, le moine ne doit pas être débraillé, ou jouer au clown pour se faire remarquer …
En conclusion, avec St Benoît au Chapitre 7
«Ayant donc gravi tous ces degrés d’humilité, le moine parviendra bientôt à cet amour de Dieu qui, parfait, chasse dehors la crainte. Par cet amour, tout ce qu’il accomplissait auparavant, avec difficulté, il se mettra à l’observer sans aucune peine, comme naturellement du fait de l’habitude, non plus par frayeur de l’enfer, mais par amour pour le Christ, sous l’effet de la bonne habitude et de l‘attrait des vertus.
Un groupe de 25 marcheurs est ensuite parti pour Montligeon, les autres pèlerins prenant le temps de déjeuner sur place.
La joie au cœur de la souffrance,
Sœur Marie-Aimée, Communauté de la Nouvelle Alliance, Montligeon
Nous nous sommes retrouvés pour écouter le témoignage fort de sœur Marie-Aimée, de la Communauté de la Nouvelle Alliance, sur le thème de ‘la joie au cœur de la souffrance’.
Nous avons tous été touchés par la profondeur de son sourire, elle qui, il y a deux mois à peine, subissait une lourde chimiothérapie. Pour clore son témoignage, un ami guitariste de sa communauté nous a fait vivre un moment chaleureux de louanges.
Souvent, à la prière du samedi soir, les sœurs chantent l’hymne « Joyeuse Lumière… »
En effet, nous constatons par expérience que la Lumière rend joyeux : un beau lever de soleil plutôt qu’un temps maussade ! Déjà dans l’Ancien Testament nous lisons ce verset de psaume : « le peuple qui adore marche à la lumière de ta Face. Tout le jour à ton nom il danse de joie… » Jésus reprend : « Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il a la LUMIERE, celle de la VIE ! ».
Or il est des joies naturelles et des joies surnaturelles. Ainsi il y a la joie d’un travail bien fait, celle née du sourire d’un enfant , d’ un repas entre amis… et il y a la joie surnaturelle qui nous inonde à l’improviste lorsque nous laissons s’écouler en nous la charité comme en nous réconciliant avec une personne …
Mais nous constatons que nous avons du mal parfois à accueillir les joies les plus simples ; par exemple, pour notre fête nous sommes gênés de recevoir un cadeau, ou nous peinons à nous associer à la réussite de tel proche parce que se cache au fond de nous une secrète envie…souvent, la tristesse devant notre médiocrité, notre misère, fait barrage à l’irruption de cette joie.
Pour découvrir cette joie, il y a donc un chemin de conversion, de guérison intérieure. L’idéal est que ce chemin soit Jésus-Christ ! Avez-vous vu les visages transfigurés de nouveaux convertis, rayonnants de joie ? Pourquoi ? Parce que Jésus Sauveur vient libérer du carcan des culpabilités, des replis sur soi… ne serait-ce que par le beau sacrement de la confession. Carce qui empêche le plus cette joie de m’inonder, c’est la colère ou le dépit que j’entretiens contre moi-même, là précisément où le Seigneur m’invite à m’aimer de son amour à lui, plein de tendresse et de miséricorde. Rappelons-nous que la joie de la nativité va être partagée en premier par les petits bergers. Sainte Thérèse a invité tous les disciples du Christ à avancer sur sa petite voie qui consiste àconsentir à sa petitesse, à son impuissance pour tout attendre du Père dans un élan de confiance infinie, tel le petit enfant. Cette joie est d’ordre spirituel.
Cette ouverture à la Lumière est suscitée en moi par l’Esprit-Saint. C’est l’Esprit Saint qui nous fait passer de l’égoïsme àla charité. Saint Augustin, explique que le péché de l’homme consiste dans le fait d’abandonner Dieu, mais pas tant pour se tourner vers les créatures que pour se tourner vers soi-même… Il explique que c’est l’Esprit-Saint qui nous fait passer de l’amour propre, â l’amour de Dieu et du prochain. L’Ecriture nous atteste non seulement que cette ouverture à Dieu est source de joie mais que l’ESPRIT SAINT est JOIE .
Saint Ignace de Loyola confirme: « Aucune chose créée ne peut procurer à l’âme une joie égale aux joies du Saint -Esprit : cette très pure allégresse que Dieu répand dans le cœur de ceux qui, par amour pour lui, ont longtemps et beaucoup souffert ». Nous comprenons alors que cette joie grandit en intensité lorsqu’elle vient de l’Esprit Saint et que la conserver demande un effort de notre part, parfois un vrai combat spirituel. Saint Jean-Paul II a dit aux jeunes en 1979 : « la joie véritable est une conquête qui ne s’obtient pas sans une lutte longue et difficile. Le Christ possède le secret de la victoire. C’est en marchant avec lui que l’on peut conquérir la joie, la vraie joie…» Le secret de la joie, c’est le Christ lui-même et marcher avec lui c’est renoncer à moi, à mes avoirs, à mes pouvoirs pour retrouver l’attitude de l’enfant confiant qui est prêt à se donner et à vivre dans l’amour.
Nous comprenons dès lors que ce qui est la racine de la joie est l’amour. Ainsi de la femme heureuse d’enfanter malgré la douleur. Sur le plan spirituel, il en est de même : l’Esprit Saint, qui est don d’amour, vient à notre secours et nous inspire d’aimer et de donner…et plus encore, il nous inspirera d’aimer nos frères par amour pour Jésus et même ceux qui nous font du mal.
Il y a un temps pour tout nous dit l’Ecclésiaste, et c’est normal qu’il y ait un temps pour les larmes et pour la tristesse, particulièrement lorsque l’on est confronté aux souffrances physiques. Mais précisément parce que dans cette situation nous sommes pauvres et impuissants, l’Esprit-saint consolateur repose sur nous et nous vient en aide. L’Esprit Saint est appelé notre avocat, le Consolateur, le Défenseur. Jésus lui-même nous dit : « je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades… » Il nous vient en aide par le don de la paix, de la patience au cœur de l’épreuve, et même si la joie n’est pas vécue physiquement en raison des douleurs du corps, elle peut visiter le cœur et l’âme ; cela n’exclut pas le combat dont nous avons parlé, ni même les moments de grande affliction. Un des plus beaux témoins de notre temps est la jeune Chiara Badano. Elle rêvait d’aller en Afrique, comme médecin. A 17 ans elle est atteinte du cancer des os. Très croyante, elle choisit alors de tout vivre en union avec Jésus et en offrande…Elle va jusqu’à refuser la morphine en disant : « cela m’enlève la lucidité et je n’ai que ma douleur à offrir à Jésus… » Saint François, avec sa « joie parfaite » nous montre que l’humilité sait voir dans tout événement la Présence de Dieu. Lorsque les circonstances l’acculent à une plus grande pauvreté, sa joie augmente, car il s’appuie encore davantage sur son Seigneur dont il attend TOUT. Enfin, laissons la parole à l’une de nos contemporaines, Nicole Carré : atteinte d’une leucémie, elle connait les nuits de la souffrance, de la solitude, les peurs des lourds traitements – et elle ose parler de joie :
« Accepter de mourir, c’est accepter de quitter ce « je » limité et ses représentations qui paralysent et rétrécissent. Quitter ce « je » limité, c’est accepter la JOIE, accepter d’éclater de joie, ne plus rien tenir, ni savoir de soi-même. En moi est la joie, une joie inépuisable, une source intarissable. Je n’ai rien à donner que ma joie, comme une pauvreté au milieu de tous. Elle n’est pas due au mérite. Elle n’est pas liée à un heureux tempérament…Je suis sûre qu’elle vient de beaucoup plus loin…. » (Extrait de son livre : ‘préparer sa mort’.)
Laissons sainte Thérèse conclure :
« Ma joie c’est de lutter sans cesse afin d’enfanter des élus, c’est le cœur brûlant de tendresse, de souvent redire à Jésus : pour toi, mon Divin Petit Frère, je suis heureuse de souffrir ; ma seule joie sur cette terre, c’est de pouvoir te réjouir… » (21.1.1897)
La messe à la chapelle du Bon Larron a, comme toujours, été un moment de communion avec le partage d’intentions de prières, temps fort, prolongé par l’adoration de Jésus Eucharistie dans la chapelle de la Résurrection, d’abord collective le soir, puis individuelle durant toute la nuit.
Le dimanche, nous avons été rejoints dans le sanctuaire par les nombreux pèlerins venus prier Notre-Dame libératrice autour de Mgr Luc Ravel.
A l’issue de la messe, nous avons reçu comme un clin d’œil du père Aubry : alors que je le saluais au nom de la Fraternité, Mgr Ravel, évêque aux Armées, et célébrant principal, s’est retrouvé quasiment porte-bannière du Bon Larron !
Quelques points de l’homélie de Monseigneur Ravel
Evêque aux armées, Mgr Ravel nous a invités à ne pas être simplement les combattants de l’arrière-garde, mais à vivre avec nos morts, dans une proximité qui nous concerne parce que, à tout instant, nous pouvons peux passer du côté de l’Eternel.
Mgr Ravel remarque : « la médecine progressant, on nous a inoculé ce sentiment qu’on est presque immortel. Nous ne sommes pas immortels, nous sommes éternels, ça n’est pas la même chose. Et cette proximité avec la mort nous est culturellement présentée comme du pessimisme, comme une sorte de maladie de l’esprit. Voilà pourquoi nous, à la différence du Moyen-Âge, nous avons mis nos cimetières le plus loin possible de nos yeux. Les cimetières étaient encore autour des églises. A l’époque romane, les morts étaient même enterrés à l’intérieur des églises. Et donc, on venait prier, célébrer le Seigneur, là, en communion profonde avec eux ; on était dans cette conscience d’être sur la ligne de front ; et que la mort faisait partie – excusez-moi de le dire ainsi – de notre vie. »
Avant de nous lire un épisode de la Grande guerre, Mgr Ravel a illustré son propos par un « petit Midrash d’un rabbin qui enseigne à son disciple la proximité de la mort. Croyant avoir compris, le disciple interrompt le rabbi : « Maître, j’ai compris. Au fond, ceux qui sont morts restent dans la même maison, mais simplement ils sont dans la pièce à côté ». Voyez l’image. Et le rabbin lui répond : « Tu n’as rien compris. Ils ne sont pas dans la pièce à côté, ils sont dans la même pièce, de l‘autre côté, dans un autre coin, mais dans la même pièce ».
Pour conclure, Mgr Ravel a relevé que « notre Seigneur nous parle plus souvent de combat et de lutte que
d’oasis en plein désert, ou de petite île avec des cocotiers, nous l’avons peut-être oublié. Et toute la tradition chrétienne nous parle du combat chrétien, Paul le premier.
Nous avons donc le besoin de ne pas nous situer dans une atmosphère, une culture où la mort est proscrite comme une pente négative.
Même si nous sentons bien la dégradation physique et que nous y résistons – c’est un mouvement naturel. Cependant, pour mener cette mission qui consiste à faire de toutes les nations des disciples, pour mener simplement notre vie chrétienne, nous avons besoin de nous armer de nos compagnons morts sans qui nous ne pourrons pas mener jusqu’au bout la lutte pour le bien et pour l’amour ».