Dans un livre écrit en prison, le cardinal australien George Pell, incarcéré plusieurs mois pour une présomption d’abus sexuels sur mineurs avant d’être acquitté par la justice, relate son quotidien dans le milieu carcéral et ce qui l’a aidé à maintenir le cap.

Le 27 février 2019, le cardinal George Pell était transféré dans une prison de Melbourne (Australie), condamné par la justice de son pays pour des crimes – des agressions pédophiles –  qu’il clamait n’avoir pas commis. Il ne sortira qu’après plus de 400 jours derrière les barreaux. Dans sa « minuscule cellule », le haut prélat se décide à écrire pour relater son quotidien dans un Journal de prison publié par Ignatius Press récemment. Un témoignage d’un homme qui ne se résout jamais au désespoir. Voici les conseils qu’il donne pour maintenir le cap dans la tempête.

PRIER, MÊME POUR VOS ENNEMIS

Jeté en prison alors qu’il se sait innocent, le cardinal Pell a toutes les raisons de maudire ceux qui l’ont calomnié. Cependant, l’épreuve est avant tout pour lui le moment d’une lutte spirituelle. Pour rester combatif, il prie tous les jours. Et ce même pour ses adversaires, sans oublier les victimes de pédophilie. « Ceux qui ont pu être impliqués dans des complots et qui ont voulu me faire tomber ? Je prie pour eux ».

NE PAS HÉSITER À SE DIVERTIR ET À S’ACCORDER DES PETITS MOMENTS DE PLAISIR

« Le football m’a rendu la vie en prison plus simple », confie celui qui a failli embrasser une carrière sportive, acceptant finalement l’appel qu’il avait reçu de Dieu à devenir prêtre. Sur son petit poste de télévision, le cardinal Pell regarde régulièrement du sport, ou des émissions historiques, mais évite les chaînes qui parlent de son cas. Dans la difficulté, les petites joies sont essentielles, semble-t-il expliquer. Il rapporte d’ailleurs avoir un souvenir plutôt agréable des 4 carrés de chocolat et de la camomille qu’il pouvait s’offrir quotidiennement.

SE CONCENTRER SUR LA RÉALITÉ

« Je crois que l’une des clés pour survivre en prison, et surtout dans un régime d’isolement, est de se concentrer sur ce que l’on peut faire plutôt que de se lamenter sur ce que l’on ne peut pas faire. » Celle-ci est parfois prosaïque, constate-t-il, mais elle lui permet de trouver au quotidien la force de continuer. Il faut demander à Dieu « des petites douleurs », énonce-t-il. Et de ne pas rester inactif : le cardinal australien répond à ses lettres, s’assure du bon état de sa cellule, discute avec ses gardiens… bref, remplit sa journée.

PRENDRE SOIN DE SON CORPS

Surmonter une épreuve demande des forces. Il est facile de se laisser dans ces moments de difficultés, constate le cardinal Pell, qui entend notamment tous les jours la détresse de ses codétenus. L’énergie nécessaire pour endurer se trouve d’abord dans l’assiette, souligne-t-il : « Continuez à manger même si la nourriture ne vous plaît pas ». Le corps a besoin d’être maintenu en forme pour que la tête suive. Malgré ses 78 ans, le cardinal ne rechigne pas non plus à faire de l’exercice tous les jours.

VOIR PLUS LOIN QUE SON MALHEUR

Alors qu’il médite sur l’expérience de Job, le cardinal rejette l’idée du dolorisme mais concède que la souffrance peut prendre un sens si on la confronte à la félicité du plan divin. « Toute souffrance humaine est transformée si elle peut être associée, dans un but humain, à l’activité rédemptrice de Jésus […] La perspective d’une récompense de bonheur céleste apporte une autre belle dimension à l’endurance stoïque et digne du malheur de l’homme. »

PRENDRE SOIN DES AUTRES

Le cardinal Pell se voit confier par courrier les douleurs de nombreuses personnes : il est toujours plus facile de raconter ses difficultés à quelqu’un qui souffre, c’est le sens propre du mot compatir. Le moment où on est au fond du trou est aussi le meilleur moment pour se mettre au service des autres, semble-t-il expliquer par son exemple.

Source : Aleteia

+++++++++++

He is innocent

Innocent. That was the final verdict, but not before Cardinal George Pell endured a grueling five years of accusations, trials, conviction, humiliation, character assassination, and finally more than a year of imprisonment after being convicted by an Australian appellate court for a crime he didn’t commit.

Immediately led off to jail in handcuffs and with shackles binding his ankles following that trial on March 13, 2019, the Australian prelate began a six-year prison sentence for “historical sex abuse”. After enduring more than 13 months in prison, eight of those in solitary confinement, the original sentence was overturned when Cardinal Pell was vindicated by an unanimous 7-0 decision rendered by the Australian High Court. His victory over an extreme travesty of justice was not just personal, but one for the entire Catholic Church.

Bearing no ill will to his accuser, judges, prison workers, journalists, and those harboring and expressing hate for him, the cardinal used his time in prison as a kind of “extended retreat” and eloquently filled pages with, among other details, his daily activities, personal thoughts, love for his fellow man, and beautiful, moving prayers.

+++++++++++++

Acquittement du cardinal Pell : un peu de mémoire

L’ancien archevêque australien n’est pas le premier cardinal innocenté. Ces histoires montrent que la foi empêche de juger a priori crédible toute accusation, car elle donne de croire aux exigences de la justice et de la vérité.

La Haute Cour australienne a finalement reconnu que la condamnation pour actes de pédophilie du cardinal George Pell, confirmée en appel, n’avait pas reposé sur des preuves suffisantes pour établir sa culpabilité sans doutes sérieux. Après ce verdict final et irréversible, l’ancien archevêque de Melbourne puis de Sydney, qui avait eu toute la confiance des papes saint Jean-Paul II, Benoît XVI et François, a été libéré. N’y a-t-il plus qu’à tourner la page avec un soupir de soulagement et ne plus penser qu’au coronavirus ?

Il est d’abord clair que George Pell ne sera plus ce qu’il était. Ce fut pour lui une épreuve probablement encore plus rude que pour Philippe Barbarin, lui aussi d’abord condamné, mais pour des motifs bien moins graves, et relaxé sans avoir été jeté en prison. Les deux odyssées judiciaires présentent quelques ressemblances, et dans chaque cas, un homme — et plus précisément un serviteur de Dieu et de ses frères — a été « cassé » pour des raisons jugées au bout du compte trop légères par les tribunaux statuant en dernier ressort.

Pour ceux qui ont simplement examiné sans parti-pris les charges pesant contre George Pell, ses dénégations et les témoignages au procès, il est clair que justice a été rendue. Il était invraisemblable qu’il ait pu, sitôt après une grande célébration eucharistique, entouré du clergé et de tous les assistants dans la sacristie, et sans retirer tous ses ornements sacerdotaux, s’isoler sans que personne s’en aperçoive avec deux enfants de chœur qu’il aurait surpris à goûter du vin de messe et ainsi tenu à sa merci.

L’influence du climat actuel

Ceci pose la question de l’acharnement mis à poursuivre ces « princes de l’Église ». Il n’est pas douteux que les affaires de pédophilie impliquant des prêtres et même un cardinal (l’Américain Theodore McCarrick) ont créé un climat de suspicion portant à présumer crédible toute dénonciation. Il est permis de supposer que les premiers juges, aussi bien en Australie qu’à Lyon, ont été influencés par l’idée reçue que l’institution ecclésiale, trop tolérante de ces crimes, pouvait et même devait être sanctionnée. Les membres de sa hiérarchie qu’il était donné l’occasion de mettre personnellement en cause étaient des cibles tentantes — à quoi s’ajoutait peut-être un peu de vieil anticléricalisme ou la croyance plus moderne que la religion est la source principale de tous les maux.

L’Eglise n’a certainement pas l’exclusivité de ces faiblesses. Elle n’oublie pas non plus que ni le péché ni l’hostilité, ni les mœurs des Borgia ni aucune cruauté répressive n’ont pu éradiquer ce dont elle est dépositaire. C’est au contraire dans les épreuves qu’elle s’est revigorée.

Il ne s’agit pas ici de faire de l’Église la victime d’un harcèlement. Elle-même n’est pas sans reproche et elle ne le cache pas. Elle est désormais consciente de n’avoir pas jusqu’à tout récemment mesuré la gravité des agressions sexuelles en son sein. Et elle sait fort bien que, dans un passé plus lointain, il est arrivé que certains des siens s’associent aux persécutions de boucs émissaires dans des sociétés qui étaient en crise ou se sentaient menacées. Mais elle n’a certainement pas l’exclusivité de ces faiblesses. Elle n’oublie pas non plus que ni le péché ni l’hostilité, ni les mœurs des Borgia ni aucune cruauté répressive n’ont pu éradiquer ce dont elle est dépositaire. C’est au contraire dans les épreuves qu’elle s’est revigorée. On l’a encore vu il n’y a pas si longtemps derrière le Rideau de fer. Et François Borgia, petit-fils d’un pape (!), a été un grand saint.

Un précédent

La mémoire peut donc être utile. Au chapitre des cardinaux injustement poursuivis, on trouve ainsi Joseph Bernardin (1928-1996), archevêque de Cincinnati puis de Chicago aux États-Unis. Un ancien séminariste nommé Stephen Cook prétendit publiquement avoir été abusé par lui et témoigna même sous serment avoir reçu une assez belle somme d’argent pour se taire. Le cardinal put rencontrer cet homme face à face. Celui-ci, qui avait beaucoup dérivé entretemps, finit par avouer qu’il avait cru qu’était vrai ce qu’on lui avait dit qu’il avait raconté alors qu’il était sous hypnose et que des « amis » l’avaient poussé et aidé à porter plainte. L’affaire fut classée. La presse qui s’en était emparée avec gourmandise fut déçue. Le pauvre fabulateur mourut bientôt du sida et Bernardin fut peu après emporté par un cancer.

Les histoires de Joseph Bernardin et de George Pell ne sont bien sûr pas identiques. Rien n’autorise à faire de l’accusateur du second, dont personne n’a contesté la sincérité, un clone du malheureux Stephen Cook. Mais les deux cardinaux ne manquaient pas d’ennemis, bien que ceux-ci ne fussent pas du même bord. L’Américain était réputé progressiste, avait nié la moralité de la dissuasion nucléaire et encourait les foudres de traditionalistes qui l’ont diffamé pour agressions de fillettes et même satanisme. L’Australien était considéré conservateur et s’est valu de solides inimitiés en luttant contre la corruption aussi bien dans son pays qu’au Vatican. Il avait aussi été déjà poursuivi pour attouchements sur des garçons et dûment innocenté.
Source : Aleteia