À l’initiative d’un ancien détenu avec le soutient d’‘Emmaüs France, les femmes condamnées à de lourdes peines en France vont bientôt avoir la possibilité de passer leurs derniers mois de détention dans une ferme landaise. Elles bénéficieront d’un contrat de travail et d’une aide personnalisée à leur réinsertion. Une première en Europe.
« C’est un lieu conçu et pensé comme un sas entre la prison et la liberté obtenue« . Voilà l’esprit du lieu résumé en une phrase par son directeur et fondateur Gabi Mouesca. « On parle souvent du choc carcéral à l’entrée en prison mais on oublie de dire que la sortie est aussi très souvent une forme de choc« .
L’homme, qui a lui-même passé dix-sept ans de sa vie derrière les barreaux pour avoir participé à la fusillade du camping de Léon en 1983 (alors militant d’Iparretarrak), sait parfaitement de quoi il parle. Peu après sa sortie en 2001, il avait pris la tête de l’Observatoire International des Prisons (OIP) et n’a cessé depuis lors de se battre pour les droits des détenus.
« J’ai fait partie de l’infime minorité de prisonniers qui a eu beaucoup de soutien en prison et à la sortie. Ici, on veut réparer les conséquences d’une longue détention pour ceux qui n’ont pas eu cette chance » explique-t-il. Il reconnaît que le challenge ne sera pas facile. « On sait que ces personnes avaient des vies extrêmement compliquées et cabossées avant d’entrer en prison« . Il va falloir les aider à renouer avec la société.
Priorité aux femmes en grande difficulté
Les femmes accueillies à la ferme Beaudonne Emmaüs seront celles « dont les liens avec l’extérieur ont été entièrement rompus » est-il précisé dans le projet. Elles devront montrer leur volonté de s’engager dans un nouveau projet de vie et accepter de vivre dans un cadre semi-communautaire.
Les résidentes proviendront prioritairement des établissements pénitentiaires de la Direction Interrégionale de Bordeaux, mais peut accueillir des personnes sous écrou provenant des autres Directions Interrégionales.
L’équipe d’encadrement de 5 salariés portera une attention particulière aux personnes dont les liens avec l’extérieur (familiaux – et tout particulièrement avec enfants – et sociaux) ont été entièrement rompus et privilégie l’accueil de personnes condamnées à de longues peines de prison (plus de 5 ans) et évalue leur volonté réelle de s’engager dans un nouveau « projet de vie ».
Ne peuvent pas être accueillies les personnes ne souhaitant pas vivre dans un cadre semi-communautaire.
In fine, la décision définitive d’intégration dans la structure revient à la juridiction d’application des peines compétente.
Chambres individuelles, vue sur la campagne
La ferme Baudonne était le lieu de vie d’une communauté de missionnaires catholiques jusqu’en 2016. Le site est en cours de rénovation. Sept chambres sont déjà prêtes ainsi que le lieu de vie qui comprend un coin salon – salle à manger et une vaste cuisine.
« Cinq autres chambres vont être créées dans les mois à venir afin de pouvoir accueillir 12 personnes à terme » indique Gabi Mouesca. Les pièces sont agréables, grandes, claires, chacune est dotée d’une salle d’eau et d’une grande fenêtre ouvrant sur la campagne alentour.
« On va essayer de donner aux détenues les moyens de vivre de façon normale dans la société, d’avoir des liens normaux avec ses contemporains, de retrouver les actes simples du quotidien. C’est l’enjeu majeur« .
Un CDD, des congés payés, un rythme de vie « normal »
Les femmes candidates passeront au préalable un week-end sur place avant le grand saut. Une fois leur projet accepté par leur conseiller en insertion et probation (pour un aménagement de peine) et par l’équipe de la ferme, elles bénéficieront d’un contrat à durée déterminé de 26 heures hebdomadaires sur une période de 4 à 24 mois et seront rémunérées au smic. Mais seront toujours sous main de justice.
« Elles travailleront sur le terrain agricole le matin et l’après-midi sera consacré à l’insertion : remise à niveau côté santé, renouer avec les liens familiaux, accéder aux documents administratifs etc…. » détaille le directeur. Mais il prévient que l’emploi du temps sera fait en fonction du travail à la ferme. « C’est la nature qui va imposer son rythme. L’été, par exemple, sera consacré aux récoltes du matin au soir. Nous devrons nous adapter« .
Sources: France3; Ferme Emmaüs Baudonne