Catéchèse du pape François sur la prière le 13 mai 2020, jour où est célébrée Marie, Notre-Dame de Fatima
La prière appartient à tout le monde : aux hommes de toute religion et probablement aussi à ceux qui n’en professent aucune. La prière naît dans le secret de nous-mêmes, dans ce lieu intérieur que les auteurs spirituels appellent souvent le « cœur ». Ce qui prie donc en nous n’est pas quelque chose de périphérique, ce n’est pas une faculté secondaire et marginale que nous aurions, mais c’est le mystère le plus intime de nous-mêmes. C’est ce mystère qui prie. Les émotions prient, mais on ne peut pas dire que la prière soit seulement une émotion. L’intelligence prie, mais prier n’est pas seulement un acte intellectuel. Le corps prie, mais on peut parler avec Dieu même si l’on est un grand invalide. C’est donc tout l’homme qui prie, si son « cœur » prie.
La prière est un élan, c’est une invocation qui nous dépasse : quelque chose qui naît au plus profond de notre personne et qui s’étend, éprouvant la nostalgie d’une rencontre. Cette nostalgie qui est plus qu’un besoin, plus qu’une nécessité : c’est une route. La prière est la voix d’un « je » qui tâtonne, qui marche à tâtons, à la recherche d’un « Tu ». La rencontre entre le « je » et le « Tu » ne peux pas se faire par des calculatrices : c’est une rencontre humaine et bien souvent on marche à tâtons pour trouver le « Tu » que mon « je » cherche.
La prière du chrétien, en revanche, est née d’une révélation : le « Tu » n’est pas resté enveloppé de mystère, mais il est entré en relation avec nous. Le christianisme est la religion qui célèbre continuellement la « manifestation » de Dieu, c’est-à-dire son épiphanie. Les premières fêtes de l’année liturgique sont la célébration de ce Dieu qui ne reste pas caché, mais qui offre son amitié aux hommes. Dieu révèle sa gloire dans la pauvreté de Bethléem, dans la contemplation des mages, dans le baptême au Jourdain, dans le miracle des noces de Cana. L’Évangile de Jean conclut par une affirmation synthétique le grand hymne du Prologue : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique (…) lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître » (Jn 1,18). C’est Jésus qui nous a révélé Dieu.
La prière du chrétien fait entrer en relation avec le Dieu au visage très tendre, qui ne veut nullement inspirer la peur aux hommes. C’est la première caractéristique de la prière chrétienne. Si les hommes ont toujours été habitués à s’approcher de Dieu un peu intimidés, un peu effrayés par ce mystère fascinant et terrible, s’ils ont été habitués à le vénérer dans une attitude servile, semblable à celle d’un sujet qui ne veut pas manquer de respect à son seigneur, les chrétiens, eux, s’adressent à lui en osant l’appeler avec confiance du nom de « Père ». Et même, Jésus emploie un autre terme : « Papa ».
Le chrétien a banni tout rapport « féodal » dans son lien avec Dieu. Dans le patrimoine de notre foi, on ne trouve pas d’expressions comme « assujettissement », « esclavage » ou « allégeance », mais au contraire des mots comme « alliance », « amitié », « promesse », « communion, « proximité ». Dans son long discours d’adieu à ses disciples, Jésus dit ceci : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera » (Jn 15, 15-16). Mais c’est un chèque en blanc : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je vous le donne »
Dieu est l’ami, l’allié, l’époux. Dans la prière, on peut établir un rapport de confiance avec lui, au point que, dans le « Notre Père », Jésus nous a appris à lui adresser toute une série de demandes. Nous pouvons tout demander à Dieu, tout ; tout expliquer, tout raconter. Peu importe si, dans notre relation à Dieu, nous nous sentons en défaut : nous ne sommes pas de bons amis, nous ne sommes pas des enfants reconnaissants, nous ne sommes pas des époux fidèles. Il continue de nous aimer. C’est ce que Jésus montre définitivement à la dernière Cène, quand il dit : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous » (Lc 22,20). Dans ce geste, Jésus révèle au cénacle le mystère de la Croix. Dieu est un allié fidèle : si les hommes cessent d’aimer, il continue de nous aimer, même si l’amour le conduit au Calvaire. Dieu est toujours près de la porte de notre cœur et il attend que nous lui ouvrions. Et parfois, il frappe à notre cœur mais il n’est pas envahissant : il attend. La patience de Dieu avec nous est la patience d’un papa, de quelqu’un qui nous aime beaucoup. Je dirais que c’est en même temps la patience d’un papa et d’une maman. Toujours près de notre cœur et, quand il frappe, il le fait avec tendresse et beaucoup d’amour.
Essayons tous de prier ainsi, en entrant dans le mystère de l’Alliance. De nous mettre par la prière dans les bras miséricordieux de Dieu, de nous sentir enveloppés de ce mystère de bonheur qui est la vie trinitaire, de nous sentir comme des envoyés qui ne méritaient pas autant d’honneur. Et de redire à Dieu, dans l’étonnement de la prière : est-il possible que tu ne connaisses que l’amour ? Il ne connaît pas la haine. Il est haï, mais il ne connaît pas la haine. Il ne connaît que l’amour. Voilà le Dieu que nous prions. C’est le cœur incandescent de toute prière chrétienne. Le Dieu d’amour, notre Père qui nous attend et nous accompagne.
Source : Zenith