La différence entre le prisonnier et le moine serait la liberté. Et encore, il faudrait savoir ce qu’est la liberté. Le prisonnier est forcé d’entrer dans la prison qu’il ne veut pas tandis que le moine entre volontairement dans le monastère. Il arrive qu’un moine soit dégoûté de la vie du monde. Il n’a plus le choix. Alors que choisir ? Vivre ou mourir dans ce monde qu’il ne veut plus ? Il opte pour la vie, une nouvelle vie de conversion à Dieu, loin des hommes. Il est évident que l’un et l’autre ont commis une faute. Malgré eux, Dieu les aime tous car ce sont des âmes égarées. La faute à qui ? Ne le cherchez pas. Moi-même, avant la conversion, pensais que Dieu est un redoutable vengeur-justicier contre moi, qu’il me fait tant de misères et de malheurs, qu’il me punissait et, moi, je me vengeais contre lui (sic !)
Peine perdue, heureusement. Dieu me rattrape toujours. Finalement, le prisonnier et le moine se retrouvent sur le même chemin de conversion plus ou moins foudroyante, voir forcée (sic !). C’est un très long travail de purification intérieure. Il faut le laver, le décaper, le peaufiner… rien n’est doux et ça peut faire mal. C’est pourquoi le moine se sent proche du prisonnier. Il sait ce que c’est la souffrance. Le moine ne naît pas ange. Il est homme. On est tous malades du corps et de l’âme. Tout est à refaire d’un côté et de l’autre, du côté des grilles et des croix… Dieu ne maudit pas Caïn pour son crime (Gn 4, 15-16). Mieux, il le protège afin que Caïn ne soit pas tué à son tour. Par ce geste, Dieu nous protège. Il vient à notre secours… Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! Voilà ce que nous sommes : son fils prodigue perdu et retourné dans les bras de Dieu-Amour (Lc 15, 11-24)
Nous nous retournons comme une crêpe, convertis vers le Père en expiant nos péchés de vie désordonnée, de luxure et autres… On a fait beaucoup de mal à sa famille ; surtout moi à sa mère, qui à 18 ans, gifle sa mère pour préserver sa propre loi de gamin gâté (sic !). A 22 ans, je laisse ma mère toute seule… Je pars vivre ma vie et c’est ce qui provoqua, sans le savoir, un cancer… Je l’ai su un an après. Je retourne vers elle, elle qui m’aimait toujours en secret… C’est là que j’ai compris que ma mère avait un cœur de Dieu. Elle m’a laissé l’entière liberté de mes week-ends. Elle refusait que je vienne la voir à l’hosto. Décédée depuis, elle a dû prier pour moi comme Monique, la mère de St Augustin. Je fus converti 9 ans après son décès et, 3 ans après, j’entre chez les Bénédictins en N. D. d’Espérance. Maintenant, le moine se meurt afin de se purifier de toutes scories néfastes, pour revivre une nouvelle vie avec le Dieu d’Amour.
Oui, le moine peut vivre comme un prisonnier sans barreaux. Il gémit de douleurs, de souffrances à cause des maux terrestres. C’est devenu sa vie, son besoin vital de prier pour le rachat de ses péchés et de ceux du monde. Le moine est « prisonnier » dans son silence intérieur où il converse avec Dieu, pour lui-même et pour ses frères les hommes. Le moine reste là, silencieux, évitant d’être rebelle, sinon on ne le garderait pas. A 24 ans, la vérité m’a sauvé car je fus amené avec les menottes au commissariat et j’ai eu un non-lieu ; ce qui ne veux pas dire selon eux que je sois innocent. On est tous des innocents (moine ou pas). On est tous des blessés de la vie. On vit dans un monde tel qu’il est, et devons faire comme eux. Coincé dans un système que l’on croit meilleur (un paradis fictif). On a tous rêvé à une vie de famille, un boulot stable pour avoir une bonne retraite heureuse. Rien de tout cela. Pas de foyers, que des amours ratés et, le comble, trop de travail pour un célibataire sans but. A quoi bon vivre ? et Marie me sauva à Lourdes. 3 ans plus tard, je suis moine… 10 ans sont passés et je me prépare à mon vœu perpétuel. Je suis « condamné » à vivre avec mon doux Jésus, les mes frères en Christ. Quel amour de vie pour un cloitré que je suis, sous la règle de St Benoit où l’obéissance me force à me taire sur les amours des SDF, AOF. J’ai eu la grâce de voir en cet AOF le Christ lui-même assoiffé d’amour… C’est drôlement émouvant. J’en garde encore le souvenir (si rare). Je suis ce « prisonnier » parmi tant d’autres.
Qui que vous soyez, Dieu vous aime.
Ne doutez pas de sa grande miséricorde.
Que Dieu vous garde dans sa paix
Fr Antoine-Marie Galineau