Un colloque sur la « justice restaurative » à Vesoul a eu lieu le 30 janvier. En point d’orgue, le témoignage du père d’une victime de meurtre, venu à la rencontre de trois détenus condamnés pour meurtre.

Alain Ghiloni est l’un des premiers à avoir expérimentée la « justice restaurative » en France, à la prison de Poissy. En 2014, pendant cinq lundis après-midi de suite, il a rencontré trois détenus qui avaient été condamnés pour meurtre. Alain Ghiloni faisait partie des victimes autorisées à échanger avec eux. En novembre 1995, son fils Fabien avait été tué d’une balle dans la tempe en pleine rue, à Reims pour un simple baladeur. L’auteur du meurtre, rapidement interpellé, a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle.

Depuis le drame, le papa de Fabien a remué ciel et terre pour essayer de faire reculer la violence. Au sein de l’association créée par des amis de son fils, FAB (« Former un avenir sans brutalité »), puis au sein de la Fédération pour l’aide et le soutien aux victimes de la violence.

La confrontation avec des auteurs de meurtre, encadrée par deux représentants de la société civile bénévoles et par des animateurs psychologues, est venue dans le prolongement de cet engagement.

« Le meurtrier de mon fils était déjà sorti de prison, j’avais assez de recul pour m’engager là-dedans », témoigne Alain Ghiloni. « Ce que je voulais, c’était pouvoir dialoguer, expliquer, comprendre. J’ai pu dire aux trois détenus qu’ils allaient sortir un jour et oublier ce qu’ils avaient fait alors que nous, on pensera toujours à ce qui est arrivé à notre fils. On est condamnés à perpétuité pour quelque chose qu’on n’a pas choisi, mais qu’on subit. »

Alain Ghiloni a aussi pu découvrir la réalité de l’univers carcéral : c’était une de ses attentes. Pour le reste, les rencontres « n’ont rien changé » pour lui. Les deux autres victimes qui l’accompagnaient, l’une pour avoir subi un viol et l’autre des violences, « ont pu dire ce qu’elles avaient sur le cœur, ça leur a fait du bien », raconte-t-il.

Les détenus, eux, « ont pris conscience des dégâts que ce genre de faits cause sur les victimes », a constaté Alain Ghiloni. « Ils ont vu que ça ne s’arrêtait pas le jour du procès, que tout l’entourage était atteint, que ça pouvait jouer sur notre santé, notre travail, notre vie de couple… »

Son témoignage a clôturé le colloque organisé à Vesoul par l’Association intercommunale d’aide aux victimes d’infractions (AIAVI) et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Territoire de Belfort et de Haute-Saône. Leur objectif : sensibiliser les professionnels pour préparer la mise en œuvre des premières mesures de « justice restaurative » en Haute-Saône, qui pourraient intervenir d’ici un an.

Prévue par la loi du 15 août 2014, cette démarche qui vise à réparer le lien social est aujourd’hui entrée « dans sa phase de généralisation », observe Benjamin Sayous, le directeur de l’Institut français pour la justice restaurative qui a organisé une vingtaine de rencontres entre victimes et auteurs liés par des faits similaires, le plus souvent des infractions graves.

Source : Est Républicain