LIVRET D’UN SORTANT…

Alain B., témoignage basé sur mon expérience de ces 5 dernières années

Comment faire pour transformer cette expérience difficile de la détention en une étape positive de notre vie, en  une occasion de faire le point, de regarder notre vie avec lucidité afin de redémarrer sur le bon pied ?

D’entrée de jeu, je vois 3 niveaux :

  • le lieu d’accueil (le logement)
  • l’accompagnement psychologique et spirituel (découverte du Dieu caché, enfermé avec nous, et en nous)
  • la réinsertion (voire l’insertion) professionnelle.

Le logement

Réinsertion sortie de prisonLorsque la question s’est présentée à moi, j’ai choisi la Fraternité du Bon Larron, association chrétienne, en pensant qu’avec le logement je profiterai aussi d’un accompagnement chrétien. Ce qui s’est effectivement passé, puisque 2 ans après la fin de mon séjour, j’y ai toujours mes amis, et la possibilité d’un soutien spirituel.

Le logement, c’est très important à la fin de la peine : si l’on n’a pas d’endroit où se poser, ou si l’on ne s’y sent pas bien, c’est très difficile de pouvoir recommencer une nouvelle étape de sa vie.

Si l’on a gardé des liens avec sa famille, cela peut être plus facile mais je crois qu’en aucun cas il ne faut qu’elle se sente obligée de nous héberger…

La petite maison d’Auffargis a été pour moi vraiment idéale. Et nous aimerions qu’il en existe de nombreuses comme elle. Parce qu’ elle est à taille humaine, que tout le monde se connaît, qu’il y a des personnes qui sont là pour nous aider à réapprendre  la vie au quotidien et qui nous soutiennent dans nos progrès comme dans les moments plus difficiles.

Elles ont la foi et nous permettent, librement de cultiver la nôtre.

Nous organisons des repas, des sorties avec certains membres de la Fraternité, établissons des liens, faisons des rencontres spirituelles, culturelles, amicales où l’on réapprend à faire confiance à l’autre mais aussi à se faire confiance.

A la maison d’Auffargis, tout est plus facile, mais, si l’on n’a pas la chance de s’y retrouver, que faire ? Heureusement, il y a d’autres endroits où l’attention à la personne est remarquable, comme ‘Lève-toi et Marche, à quelques km d’Auffargis, Le Mas de Carles, dans le Sud, avec un deuxième foyer en projet. Et, sûrement bien d’autres à découvrir !

L’accompagnement psychologique

Pour avancer vraiment, il faut un accompagnement solide. Sur ce plan, après avoir fait différentes tentatives, je crois que nous, les sortants, avons tout intérêt à nous adresser directement à un CMP (Centre médico-psychologique). Ces centres disposent généralement d’une équipe pluridisciplinaire avec psychiatres, psychologues, infirmiers et assistantes sociales. Les assistantes sociales y sont entrainées, plus qu’ailleurs, à la diversité des situations qui sont les nôtres. Elles travaillent en lien avec les SPIP (Services pénitentiaires d’insertion et de probation). Les psychiatres et/ou psychologues deviennent rapidement parties prenantes efficaces dans notre réhabilitation. Ceci me semble extrêmement précieux. On se sent compris, les personnes qui nous reçoivent se placent ouvertement comme partenaires de nos démarches et de notre réinsertion.

Un regard lucide et vrai sur nous-même

Un autre point me semble d’une extrême importance : pour réussir notre réhabilitation/réinsertion, ne pensons surtout pas qu’il suffit de gommer le passé !

Il s’agit d’ouvrir l’œil sur ce qu’il a été, apprendre à regarder la personne que nous avons été, ou les actes qui nous ont fait juger et condamner avec un regard réaliste. Cette prise de conscience peut entraîner une démarche de pardon, à Dieu, à la victime, à la Société…  C’est l’élément fondateur par excellence de notre nouveau départ. Elément fondateur, qui nous permettra de retrouver la paix, la joie, la vraie liberté !

Pour ce faire, nous avons la chance de vivre dans une Société qui nous offre l’aide de personnes entraînées, généralement efficaces et de bonne volonté, même si elles sont parfois assez ‘surbookées’.

Les soins

Si cela est possible il faut commencer à se faire soigner pendant la détention. Il est plus facile, je pense, d’avoir commencé un travail thérapeutique sur soi-même avant la libération. Bien sûr, le choix et le travail sur soi qu’on peut faire dépend de sa volonté à vouloir accepter ce pourquoi on  a été condamné. Cependant  chacun est différent et parfois il peut être difficile de s’investir pendant la détention.

Les soins médicaux doivent aussi être traités, dans toute la mesure du possible, dès la détention.

La Foi

Esprit saint Il s’agit là de ma propre expérience est c’est un sujet intime et personnel. Qui a besoin d’être repris, complètement, par chacun d’entre nous. Après m’être éloigné de l’Eglise, de ma paroisse, j’ai eu la chance de n’être jamais détaché de mes racines chrétiennes, la chance aussi de ne jamais croire que Dieu était la cause de mes malheurs. Consciemment j’ai eu la chance de L’entendre plusieurs fois me mettre en garde contre mon comportement. Je pense aussi qu’Il m’a aidé dès le début de mon incarcération à voir de façon objective l’intérêt de ma mise a l’écart de la société car je pense qu’Il savait qu’aucune autre solution ne m’aurait permis de combattre mes maux. Il m’a aussi aidé  à donner leur juste place à mes victimes. Dans ma prière, j’ai décidé que si j’étais condamné à la peine que je pensais mériter, je ne ferais pas appel, considérant qu’elle serait voulue par le Seigneur pour moi. J’ai eu cette peine, et je l’ai acceptée avec sérénité, malgré sa lourdeur et les pressions de mes proches pour faire appel. C’était celle que je pensais devoir à mes victimes et pour respecter mon engagement vis à vis de ma demande à Dieu. Souvent, j’ai senti Sa présence et Son aide pendant ma détention, pour ne pas sombrer, pour ne pas me mentir, ni mentir aux autres. Quand par moment le regard que j ‘avais sur moi ou celui des autres me renvoyait une image extrêmement insupportable, Il a su, à travers ce que je savais faire de mieux, me redonner confiance et apaiser mes souffrances.

Dans les aumôneries que j’ai connues, Il a su aussi toujours me mettre en présence d’une ou plusieurs personnes qui m’ont conseillé utilement des lectures de la Bible ou de situations similaires à ce que je pouvais vivre ou ressentir. Le dernier aumônier que j’ai eu m’a permis une réconciliation complète avec les hommes d’Eglise. Il était le prêtre dont j’aurais eu besoin lorsque j’étais enfant puis ado. Il m’aurait sûrement aidé à gagner mon combat, à vouloir moi-même devenir pasteur tant j’étais habité par l’espoir d’un monde fraternel, communautaire, charitable et non perverti, un monde où Dieu est reconnu pour qui Il est.

Plusieurs possibilités s’offrent à vous à la sortie : rejoindre des groupes de prière, vous faire connaître auprès de vos paroisses, demander à un prêtre son accompagnement spirituel. Je vous souhaite, en plus des liens de la prière, de vous faire de vrais amis et partager avec eux d’autres bons moments. Cela, j’en suis convaincu, vous aidera aussi à nourrir votre foi. Si vous le désirez, nous pourrons aussi vous aider dans ces démarches.

La réinsertion professionnelle

Chaque cas est différent. En principe, l’effort de réinsertion devrait commencer en même temps que la détention,  mais chacun sait que ce n’est pas souvent le cas, loin s’en faut. Tant du fait de l’état de choc dans lequel certains se trouvent pendant les premiers temps, que d’autres circonstances personnelles à chacun.

Il est bon de connaître les efforts nombreux et variés de certaines entreprises d’insertion !

logo Reseau CocagneLes Jardins de Cocagne, par exemple, sont des jardins maraîchers biologiques, à vocation d’insertion sociale et professionnelle.

A travers la production et la distribution de légumes biologiques, distribués sous forme de paniers hebdomadaires, à des adhérents-consommateurs, ces Jardins permettent à des adultes en difficulté de retrouver un emploi et de construire un projet personnel.

Il existe 120 jardins de Cocagne à travers la France, dont 6 en Région parisienne + 2 traiteurs qui s’occupent de la préparation de repas et de buffets et une entreprise sur les fleurs en projet. (Le fondateur est un éducateur spécialisé qui avait un frère handicapé). Il existe des projets similaires avec les jardins du cœur…

Alain B.